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23 mars 2009 1 23 /03 /mars /2009 08:55





Sortie du film le 6 mai 2009 en France
Le distributeur lance un blog sur le sujet

 

 

Koji Wakamatsu, une des figures majeures du cinéma « Pink eiga » japonais, collaborateur de Nagisa Oshima (il est crédité comme producteur exécutif de L’Empire des sens), engagé à l’extrême gauche, vient de réaliser une fiction sur l’Armée rouge japonaise, qui comptait dans ses rangs la belle Fusako Shigenobu.




Wakamatsu est une légende du cinéma. Avec Yoshishige Yoshida (Eros + Massacre), il est un des grands réalisateurs indépendants du « Pink eiga », ce genre cinématographique longtemps marginal qui s’aventurait dans des directions résolument scandaleuses (érotisme, radicalité révolutionnaire et violence), avec des titres comme Les Anges violés ou Vierge violée cherche étudiant révolté qui ne laissent pas de doute sur leur contenu. Le genre a finalement été récupéré par les grands studios japonais, la Toei, Toho ou Nikkatsu.

 

 

 

À ce moment-là, le physique assez remarquable des actrices Miki Sugimoto, Reiko Ike, Yumi Takigawa, Reiko Oshida, les nombreuses scènes où fort malmenées, torturées et violées, elles apparaissent nues, additionné à l’efficacité de vieux routards (parfois issus des production de films yakusa), tels Norifumi Suzuki, Kazuhiko Yamaguchi, Seijun Suzuki ou Atsushi Mihori ont très largement contribué au succès du genre. Les producteurs misant sur l’ultra violence, là où leurs prédécesseurs privilégiaient le lyrisme.



 

La récupération du « Pink eiga » par les majors rappelle ce qui s’est passé avec la « Blaxplotation » aux États-Unis. Melvin Van Peebles avait ouvert le bal d’une façon peu conventionnelle avant que les studios hollywoodiens ne lui emboîtent le pas. Leurs films étaient souvent nuls, mais toujours illustrés d’excellentes musiques, devenues depuis des classiques, à commencer par deux grands disques de la musique populaire : Superfly de Curtis Mayfield et Black Ceasar de James Brown (là, en revanche, le film est plutôt une réussite). Vous connaissez tous l’album Shaft d’Isaac Hayes, il est inutile d’en parler.


En cela, il y a vraiment deux époques distinctes dans le courant « Pink eiga ». Mais qu’il s’agisse de la violence, de la pornographie ou du politique, le genre a fait de nombreux émules au Japon et ailleurs, de l’abonné aux scandales Takashi Miike à Mitsuru Meike (The Glamorous Life of Sachiko Hanai, 2003) en passant par Quentin Tarantino, amateur du genre (Kill Bill se réfère à plusieurs films du début des années soixante-dix). Un pan non négligeable du cinéma japonais contemporain y trouve ses origines.

 

À la fin des années soixante, Wakamatsu et ses amis ont très naturellement épousé la cause des étudiants d’extrême gauche soutenant et filmant les violentes manifestations de Zengakuren (la danse du dragon des manifestants est un grand moment), rédigeant des textes, pour finalement, dans les années soixante-dix, suivant la fraction la plus radicale, s’engager dans les méandres du terrorisme pro-palestinien.


 


 

Cet engagement radical, qui a poussé certains à abandonner le cinéma pour la lutte armée, fait d’eux des réalisateurs très à part, qui sont plus à rapprocher des constructivistes russes des années vingt que d’un Jean-Luc Godard qui n’aura jamais été capable d’aller aussi loin, malgré ses beaux discours. Reconnaissons que ce dernier demeure le modèle cité par tous les acteurs de ce courant – qu’il ne faut pas confondre avec la Nouvelle Vague japonaise de Oshima qui le précède. Wakamatsu qui s’était déplacé à Saint-Denis, il y a trois ans, pour un festival du cinéma, avait beaucoup parlé de Godard. (Je me souviens aussi que Romain Slocombe avait lu une présentation sur le cinéma Pink.)
 

Je n’ai aucune idée de ce que peut bien donner le film de Wakamatsu, L’Armée rouge unifiée (United Red Army), mais s’il y a une personne mieux à même de le produire, l’écrire, le mettre en scène et le monter, c’est bien lui. Parce qu’il connaît les acteurs de cette aventure depuis son commencement et que la question ne cesse de l’obséder.

 

Il faut dire que l’affaire du chalet de Sama, relatée dans le film et scénarisée à partir du témoignage des survivants, est une histoire cauchemardesque qui m’avait énormément choqué lorsque je l’ai apprise, grâce au documentaire de Michaël Prazan, Japon, les Années rouges, diffusé en 2002 sur Arte*. En deux lignes : enfermés dans un chalet, livrés à eux-mêmes, les membres de l’Armée rouge se sont littéralement entretués à coup de procès politiques. Il y a eu quatorze exécutions…


* C’est, à ma connaissance, l’unique documentaire en français sur l’Armée rouge japonaise. Michaël Prazan a publié un livre sur le même sujet, Les Fanatiques, Histoire de l’Armée rouge japonaise (Seuil, 2002), ainsi que Zengakuren (CyLibris, 1999). Enfin, et pour être tout à fait complet, je précise que Prazan s’est intéressé à Pierre Goldman (l’auteur du classique Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France) et, plus récemment, au massacre de Nankin.

 

 


Les amateurs de Sonic Youth seront heureux d’apprendre que la musique du film est signée par Jim O’Rourke, qui vit à Tokyo.


Les distributeurs ont ouvert un blog et une adresse sur Facebook autour du film de Koji Wakamatsu.

 

 

http://www.united-red-army.com/?language=fr 

http://www.facebook.com/pages/United-Red-Army-by-Koji-Wakamatsu/129443340182?ref=s

 

 



On notera que la bande autour de l’ancien situationniste René Viénet et Francis Deron (journaliste au Monde), après avoir doublé ou sous-titré des films de Kung fu (dont le fameux La Dialectique peut-elle casser des briques ?), autant d’improbables séries B, et avant de réaliser des films de montage sur la Chine de Mao (Mao par lui-même et Chinois, encore un effort pour être révolutionnaires…), avait récupéré deux films « Pink eiga » produit par un studio. Ils avaient été rebaptisés Les Filles de Kamaré/Une petite culotte pour l’été (Terrifying Girls’ High School: Lynch Law Classroom ou Le Pensionnat des jeunes filles perverses, 1973) et L’Aubergine est farcie (Les Menottes rouges, 1974), suivant l’humour pas toujours très fin de Viénet. Vous me direz que les distributeurs allemands ont sorti le second film sous le titre non moins fantaisiste de Der Tiger von Osaka ! Fritz Lang meets Pink eiga.





Toujours est-il que ces deux films se sont attirés les foudres de la censure française. Kamaré a été interdit d’affichage (Enfin du porno intelligent ! promettait le programme) et L’Aubergine… n’a jamais pu sortir en salle, il a été totalement interdit. Il y eut une unique projection pour la presse, suite à laquelle seuls Delfeil de Ton et Jean-Pierre Bouyxou ont dénoncé cette décision. C’est dire le courage des journalistes sous Giscard. Le tract distribué alors reproduisait l’argument du comité de censure ; il y a un point sur lequel ces vieux croûtons ne mentaient pas : Les Menottes rouges est violent. À telle enseigne que je me suis toujours demandé ce que Viénet, Deron et les autres avaient bien pu ajouter de plus.
 

 

 

Je n’ai jamais su si Viénet avait eu connaissance du travail de la première génération de cinéastes indépendants ou s’il n’avait découvert que celui des studios. Les deux « films japonais » de Viénet et sa bande sont les meilleurs de la série sous-titrée ou doublée. En partie parce que les films se tiennent très bien seuls ; ils n’ont pas besoin de sous-titres humoristiques pour plaire.





Dans l’activité de l’ancien situationniste, cette décennie soixante-dix vouée aux provocations cinématographiques et à la sinologie (la « Bibliothèque asiatique » qui publiait, entre autres, les essais de Simon Leys) a tout de même plus d’allure que la suite : cet éternel donneur de leçon n’a pas hésité à collaborer avec le groupe Total et la Cogema !


 

La bande annonce du film de Koji Wakamatsu est disponible aux adresses suivantes :
http://www.youtube.com/watch?v=wI4w7Fj-3gA&feature=related
http://www.youtube.com/watch?gl=FR&hl=fr&v=pxCDP5Imm9k



Je signale deux entretiens avec Wakamatsu, réalisés lors du séjour en France que j’évoquais plus haut :
http://www.cinemasie.com/fr/fiche/dossier/245/
http://www.sancho-asia.com/spip.php?page=print&id_article=1437

 

Plusieurs bandes annonces de films « Pink eiga » (de l’époque des studios) sont disponibles ici 
http://www.pinky-violence.com/shop.html
et là (Les Menottes rouges)
http://www.discotekmedia.com/trailers/zero_woman.wmv

 

 

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commentaires

M
CHAMPAGNE !<br /> <br /> OUI, mon cher Shige je te paie le champagne la prochaine fois qu'on se voit - à Pékin, sans doute, où je compte bien aller prochainement - car j'avoue être infoutu de dire dans quel livre de cet ivrogne se trouve la citation ; en revanche je suis parfaitement capable de la compléter de mémoire: "On y trouve même le bouffon Viénet et ses calembours au rayon de la sinologie anti-maoïste (sous-titrer n'est pas détourner)."
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