Cinéma Bis à la cinémathèque française
Cinérotica présente :
Une histoire du cinéma érotique et pornographique français
Vendredi 10 avril 2009, 20 h
Cinéma sexy français, années 50 :
« S’abstenir par discipline chrétienne »
Présenté par Christophe Bier
Méchamment indexés par la Centrale catholique du cinéma (qui leur distribuait son infamante cote 5, « s’abstenir par discipline chrétienne ») et généralement interdits aux mineurs (les moins de 16 ans à l’époque), les films « sexy » des années 50 dévoilent encore peu de chairs. Certains genres (polar, exotisme) sont d’excellents prétextes. Elisa par exemple conjugue l’alibi historique (la reconstitution du Second Empire), avec la caution culturelle (un roman naturaliste d’E. de Goncourt) et un genre qui suinte toujours d’érotisme : le mélodrame. Richebé (Jeanson disait « pauvre C… ») s’y connaît en matière d’érotisme canaille (Minuit place Pigalle en 1934, Prisons de femmes en 1939), mais son atout majeur est Dany Carrel, en fille Élisa, passant de la réclusion pénitentiaire aux maisons closes. Déjà exhibée chez Jean Gourguet (Maternité clandestine et La Cage aux souris), sa poitrine généreuse obsède le cinéaste. « Comédienne aussi fine et sensible que sexy, Dany Carrel (...) y apparaît comme une sorte de chaînon manquant entre Françoise Arnoul dont elle a l’intériorité, Nadine Tallier dont elle a le naturel, Claudine Dupuis dont elle reprend l’emploi-type, et les « Italiennes » de Paris, style Gina Lollobrigida ou Silvana Pampanini, auxquelles elle n’a strictement rien à envier côté appas. Cet emploi de fille tantôt facile, tantôt publique (…) lui collera par la suite autant à la peau que le malheur aux basques d’Élisa, dont la destinée toute entière semble circoncise entre deux viols. Emblématiquement, Élisa (…) est l’exact contrepoint d’Et Dieu... créa la femme, tourné la même année, son semi-échec marquant la défaite par KO d’une certaine forme d’érotisme à la papa, tout en trous de serrure, voyeurisme et troussis de jupons, face à la sensualité flamboyante, totalement dépourvue d’artifices, de Bardot et l’univers résolument caliente de Vadim. » (1)
Autre prétexte idéal : le naturisme qui s’immisce par le court métrage. Filles d’Eve fut tourné à l’île du Levant par Michel d’Olivier (producteur de L’Île aux femmes nues) et Jean-Albert Foëx (spécialiste de la prise de vue sous-marine), avec le concours de la Fédération de naturisme. Il fut interdit aux mineurs mais aussi à l’exportation car la censure, remarquant que le scénario était basé sur une garnison de filles nues, estima qu’il y avait une offense à l’armée ! Son chef op’, Louis Félix, a produit et réalisé deux perles d’érotisme moite : Chaleurs d’été (1958) suivi d’un drame de mœurs camarguais, Heures chaudes, sorti au Midi-Minuit et au Scarlett, repères parisiens pour obsédés de la cuisse. Hélas pour eux (et pour nous !), la censure chatouilleuse n’autorisa le film qu’au prix de plusieurs coupes : exit les 7 mètres de nus sous la douche, les 20 m d’une scène équivoque entre deux sœurs, tous les gros plans de nus dans la baignade nocturne, Françoise Deldick appuyant son menton sur le canon d’un fusil, plusieurs dialogues « osés ».
Christophe Bier
cinerotica@free.fr
(1) R. d’Ombasle, in Le Dictionnaire des longs métrages français érotiques et pornographiques en 16 et 35 mm. À paraître en 2010. Pour tous renseignements : cinerotica@free.fr
20 h
Elisa / La Fille Elisa
Roger Richebé
France/1956/90 min./35 mm
D’après Edmond de Goncourt.
Avec Dany Carrel, Georges Baconnet, Marthe Mercadier, Laurence Badie.
Sous le Second Empire, une jeune femme passe de la réclusion pénitentiaire à la vie dans les maisons closes.
22 h
Naturisme / Filles d’Eve / Les Filles du soleil
Michel d’Olivier
France/1952/23 min./35 mm
Avec Gisèle Pavard, Flore Rousseau, France Titan, Raymond Adout.
Trois jolies filles, Gisèle, Flore et Béatrice, passent leurs vacances chez les naturistes de l’Ile du Levant. Elles y sont reçues par Moustache, le sympathique guide de l’île.
Film restauré par les Archives françaises du film – CNC.
suivi de
Heures chaudes
Louis Félix
France/1959/90 min./35 mm
Avec Liliane Brousse, Françoise Deldick, Pierre Mirat, Pierre Richard.
L’arrivée de deux soeurs provoque des drames conjugaux dans un coin perdu de la Camargue.
En partenariat avec Mad Movies.
Évidemment, j’ignore si les films programmés sont à la hauteur des photographies qui illustrent cette présentation et dont le caractère surréaliste m’a beaucoup frappé. Espérons que l’écart ne sera tout de même pas si grand ; dans le cas contraire, il restera aux spectateurs d’apprécier le charme suranné de cet érotisme à l’ancienne, ce qui est suffisamment original en soi.
Autre originalité, en lisant le programme, je me suis demandé combien d’adaptation des frères Goncourt existe au cinéma. Avant cette Elisa, je n’en connaissais aucune.
Un mot, pour finir, sur le programmateur de cette soirée, Christophe Bier. Il est le maître d’œuvre de cet ambitieux projet Le Dictionnaire des longs métrages français érotiques et pornographiques en 16 et 35 mm. J’espère pouvoir reparler bientôt de cette publication qui sera, à n’en pas douter, un évènement tant dans sa forme que par son contenu inédit. En tous les cas, Bier, qui est l’auteur de Censure-moi : histoire du classement X en France (L’Esprit frappeur, 2000), est un des mieux placés pour mener une telle entreprise, tant son savoir en la matière est grand. Qu’il soit ici remercié pour les photographies et de sa disponibilité.