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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 22:11

Les Mères de Tiananmen
« La vérité sur la mort de nos fils »

Par Hélène Duvigneau
Rue89, le 2 juin 2009


Tolérée par le régime, l’association demande sans relâche une enquête sur la répression du mouvement étudiant, il y a vingt ans.
(De Pékin)


Les détails de l’épisode sanglant de la nuit du 3 au 4 juin 1989 sur la place de Tiananmen, à Pékin, seraient peut-être déjà oubliés aujourd’hui sans le travail de mémoire des Mères de Tiananmen, dont l’action reste sans résonance, à ce jour, dans le pays. Écoutez le témoignage de Zhang Xianling, qui a perdu un fils.
(Voir la vidéo)



Sur les 128 mères que compte l’association en 2009, huit sont particulièrement actives, et six font l’objet d’une surveillance étroite.

Mise à part Ding Zilin, figure emblématique que l’on ne peut approcher sans avoir à remplir une fiche de police, les autres mères sont plutôt facilement accessibles cette année, même si leur téléphone est sur écoute et qu’elles ne sont jamais à l’abri d’une visite de la police.

Réunies par la douleur et le désir de faire éclater la vérité, les Mères de Tiananmen, exception de société civile tolérée par le régime, disent tirer une grande partie de leur force du soutien ininterrompu qu’elles reçoivent de l’étranger.


« Tant que vous vous intéressez à nous, il ne pourra rien nous arriver »

Xu Jue, ancien chercheur à l'institut de géographie, dont le fils Wu Xiang-dong, est mort à 21 ans d’une balle dans l’épaule, confie :

« Je suis très contente de faire des interviews. Tant que vous vous intéressez à nous, il ne pourra rien nous arriver ».

À 70 ans, ce brin de femme ne se lasse pas de raconter, heure par heure, le drame qui a failli lui faire perdre la raison. Cette année, les policiers l’ont encore priée de s’éclipser de la capitale avant le 4 juin, mais elle s’y refuse obstinément.

« J’ai dit à la police que sauf s’ils m’enfermaient, rien ne m’empêcherait d’aller rendre hommage aux victimes, le soir du 3 juin. S’il le faut, j’irai en rampant ».

Une force identique anime Ding Zilin, 72 ans, la première à s’être mise en quête des parents de victimes. Au total, elle en a comptabilisé 198. Vingt ans n’ont pas suffi à refermer la blessure d’avoir perdu son fils de 17 ans, Jiang Jielian.

« Il me semble qu’il est encore là et que rien ne s’est pas passé ».

Cette année, elle espère pouvoir sortir rendre hommage à son fils, tué près de la station de métro de Muxidi, sur l’avenue de Fuxingmenwai.

Après toutes ces années d’appel à la vérité, et de lettres ouvertes au gouvernement restées sans réponse, elle fait part de son amertume face à l’attitude des gouvernements étrangers, qui « n’hésitent pas à mettre de côté leurs valeurs humanistes pour s’attirer les faveurs de Pékin ».


« Je mettrais un 4/20 à la Chine »

La nuit du 3 au 4 juin, Zhang Xianling a elle aussi perdu un fils. Passionné de photo, Wang Nan, 19 ans, n’a pas pu résister à l’envie d’aller prendre quelques clichés place Tiananmen. Avant de partir, il avait pris soin d’emporter un casque de moto pour se protéger des coups de bâton, en mémoire du sort réservé aux prisonniers pendant la Révolution culturelle.

En 20 ans, sa mère semble avoir gagné la force de parler sans laisser transparaître ses émotions. Elle espère aujourd’hui que le pouvoir acceptera de dialoguer, mais n’imagine guère que ce soit possible de son vivant.

« Au fil du temps, il y a eu quelques progrès sur le plan politique, je mettrais un 4/20 à la Chine. Mais comme en 89, les étudiants d’aujourd’hui auraient les mêmes raisons de se mobiliser pour réclamer un gouvernement par la loi. »

Voici des extraits de notre rencontre avec elle, le 12 mai à Pékin.


Une enquête sur ce qui s’est passé et les responsabilités

Zhang Xianling accuse les autorités d’avoir caché la vérité sur les événements du 4 juin. Et d’exprimer trois demandes précises : une enquête sur ce qui s’est réellement passé, l’établissement d’une liste des personnes décédées et l’indemnisation des familles, et enfin la détermination des responsabilités politiques, la « demande la plus sensible », selon elle.
(Voir la vidéo)



« Avoir transformé des mensonges en vérité, c’est le plus grand succès du Parti communiste, ils ont trompé tout le monde », souligne Zhang Xianling, qui reconnait que les jeunes Chinois ne connaissent pas la réalité de ce qui s’est passé il y a 20 ans.

Même si l’irruption d’Internet change la donne, et permet à de nombreux jeunes Chinois de s’informer plus précisément. « Une fois qu’ils savent, ils sont de notre côté », dit-elle.
(Voir la vidéo)



Crédits vidéo :
Images et montage vidéo : Nicolas Sridi
Traduction et interprétariat : Antonia Cimini.




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