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Bernard Joubert et les goujats


Goujat : Homme grossier dont les propos ou les manières sont
volontairement ou involontairement offensantes. Syn. : mal élevé.
(
Trésors de la langue française)


Je reproduis in extenso, titres, liens et illustration compris, le contenu de deux articles que Charles Tatum a mis hier sur son blog (l’adresse est ci-contre) au sujet de Bernard Joubert, chroniqueur à Siné Hebdo.
Shige


Étonné de ne pas lire dans Siné Hebdo, dont il est jusqu’alors un chroniqueur régulier (pléonasme), les deux dernières chroniques qu’il a envoyées au canard, Bernard Joubert écrit à Siné afin de savoir ce qui se goupille. Rien que du très banal, si Siné n’était pas Siné (le flingueur d’hypocrisies qu’on a, ici et ailleurs, si vaillamment défendu), et si Joubert n’était pas l’historien de la censure que l’on sait. Voici sa lettre, qui devient donc une lettre ouverte. Les deux textes incriminés sont visibles un peu plus bas (billet suivant).
Ch. Tatum


« Le 13 juillet 2009

« Cher Siné,

« Désolé de te déranger pendant tes vacances. Je sais aussi que ce n’est pas toi qui gères le rédactionnel, c’est Catherine. Mais je me permets de te passer ce mot parce que le problème auquel je suis confronté n’est pas une broutille.

« Tu trouveras ci-joint mes deux dernières chroniques “Chez les censeurs” que j’ai livrées début juin et début juillet.  (Je ne livre plus qu’une fois par mois puisqu’il n’y avait jamais place quand je livrais tous les quinze jours.) Tu ne les liras pas dans le journal. Inutile de me demander pour quelles raisons, je l’ignore. Pour la première, Théo m’a transmis l’avis de Catherine comme quoi cette interdiction de revue ne méritait pas un article. Ça m’a semblé une explication n’expliquant rien. L’interdiction d’une revue est au contraire le sujet parfait pour une rubrique sur la censure.


« Pour la seconde, je n’ai même pas eu droit à un semblant d’explication. Comme je venais aux nouvelles, ne voyant rien paraître, Olivier m’a conseillé, pour en savoir plus, de téléphoner à Catherine le mois prochain…

« Normalement, la réaction normale serait que, de guerre lasse, je fasse mon deuil de Siné Hebdo. Que dans quelque temps tu demandes peut-être : et Joubert, pourquoi on ne le lit plus ? Et qu’on te réponde : il n’envoie plus rien. Effectivement, c’est ce que je suis tenté de faire, ne prenant pas plaisir à ce que mon travail, qui nécessite des enquêtes en amont, finisse d’une chiquenaude à la poubelle. Mais si je pars ainsi, je vais garder cette impression désagréable : celle d’avoir été éliminé de façon louche, en loucedé, peut-être suite à mon article sur le “féminisme flicard” qui a tant déplu à Catherine. C’est le genre de pratique que dénonce Gérard Filoche, le contremaître qui pourrit la vie d’un employé pour le pousser à partir. Alors l’imaginer dans le journal qui porte ton nom, ça me salit les rêves.

« Aussi fais-je le choix de te poser cette question : je continue ou pas ? Et si je continue, je suis chroniqueur ou pas ? Pour moi, on attend d’un chroniqueur qu’il exprime ses idées. On le prend pour ce qu’il est ou on ne le prend pas, mais on ne lui demande pas d’espérer d’hypothétiques parutions selon l’humeur de la direction.

« Je vais même ajouter que, pour le cas où tu me répondes “continue”, je n’aurais envie de le faire que si la chronique que j’ai livrée en juillet (sur l’association d’extrême droite) paraît, et que je puisse réutiliser des éléments de ma chronique de juin dans un article à venir (sur le soixantenaire de la loi de 49).

« Bonnes vacances à toi, marrantes et pas trop épuisantes.

« Bernard Joubert »


Lettre sans réponse au 14 septembre.


Bernard Joubert et la censure

Voici deux volets de la chronique de Bernard Joubert [CLIC], « Chez les censeurs », expédiées cet été à Siné Hebdo. Le journal mal élevé s’est abstenu de les publier, sans la moindre explication. Considérant qu’un bon texte doit être lu, on les passe. Même si Joubert n’était pas un de nos grands historiens de la censure, on les passerait. Même s’il n’était pas, de longue date, un copain.
Ch. Tatum


ALLIOT-MARIE DANS LE CUL
(Publication prévue : juin 2009)

Par Bernard Joubert


Imaginez que vous soyez la reine des flics. Imaginez que vous ayez sous la main une loi de censure dont c’est l’anniversaire. Cotillons, bougies sur le gâteau, comment fêter l’événement ? En égorgeant une revue.

Ambiance Pasqua garantie, avec des vrais bouts de Marcellin dedans, et même un peu de Papon.


La procédure était pourtant remisée au placard depuis des années, mais, ce vendredi 5 juin, Michèle Alliot-Marie l’a réactivée pour frapper Top vision du niveau d’interdiction maximale (exposition, distribution, publicité). Une revue de cul que vous ne lisiez pas, et moi non plus, pas plus que la ministre, vous pensez bien. Qui la lisait, alors ? Plus grand monde. Le cul numérique a tué le cul sur papier. Pour mater du porno à l’ancienne, qui se feuillette, il ne reste guère que trois rombières et deux curés continuant de siéger à la « Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence », comme au temps de Paris-Hollywood. La demande vient de là. Ce n’est pas nouveau, ça fait soixante ans que ça dure — la fameuse loi du 16 juillet 1949 —, mais les ministres de l’Intérieur avaient perdu l’habitude d’y prêter attention. Heureusement, parce que, dernièrement, la Commission ouvrait Psikopat, la revue d’humour de Carali, le Carali de Siné Hebdo, et, ne comprenant rien à rien, la classait « à surveiller » parce que ses BD « incitent à des relations sexuelles violentes (n° 190, p. 88-89), montrent une relation sexuelle entre une femme et un homard (n° 191, p. 49) ou encore proposent que chacun tue son voisin pour sauver la planète (n° 191, p. 4) ». Il en était de même avec Fluide glacial et son numéro spécial sur la Nouvelle Sexualité, où l’on trouvait « un roman-photo licencieux [de Léandri avec Gotlib !], un dossier sur les sex-toys [totalement bidon : stimulateur de pancréas, gel décoiffant pour pubis…], une bande dessinée sur le sadomasochisme [avec le fantôme du commandant Cousteau] et des petites annonces licencieuses [toutes fausses, évidemment, telles que : “Zoophile pas très bien membré cherche souris pas farouche.”] ».

Me croirez-vous enfin quand je vous dis que les censeurs sont des cons ?

Bernard Joubert



Un dessin de Bar dans le collimateur
des protecteurs de l’enfance et de l’adolescence


PROMOUVOIR LES GAMELLES
(Publication prévue : juillet 2009)

Par Bernard Joubert


Promouvoir, vous vous en souvenez ? Cette association de moralité publique a connu son heure de gloire en obtenant le retrait du visa d’exploitation (c’est-à-dire l’interdiction) de Baise-moi, le film de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, en 2000. Elle fit aussi interdire aux mineurs Ken Park de Larry Clark. Mais l’apogée, ça ne dure pas. Pareillement à cette autre officine d’extrême droite procédurière qu’est l’AGRIF, qui eut un moment la faveur des juges, Promouvoir s’est ensuite ramassé des gamelles à répétition. Le Conseil d’État la débouta de ses requêtes contre des revues (Micro revue, PC loisirs, Max), d’autres films (Fantasmes de Jang Sun-Woo, Le Pornographe de Bertrand Bonello), un livre (Il entrerait dans la légende) ou le DVD de Baise-moi, la condamnant même à verser des dédommagements à ceux qu’elle attaquait. Les médias n’en parlèrent pas, une non-censure étant perçue comme un non-événement, et c’est dommage parce qu’un censeur qui repart la queue entre les jambes, c’est le genre d’info qui vous égaie la journée. Alors, ensoleillons ce jour…

Alléchés par les bruits de scandale au Festival de Cannes, Promouvoir et quelques amis, Action pour la dignité humaine, l’Union départementale des associations familiales du Rhône et le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine — rien que des gens avec qui on a envie de se faire une sortie cinoche —, viennent de demander au Conseil d’État que soit classé X, ou au moins interdit aux mineurs, Antichrist de Lars von Trier. Toutes les chances étaient de leur côté, le film contenant des plans hards et des scènes très violentes. Pour parfaire la plainte, avait même été ajouté qu’Antichrist véhicule « un message de mépris et de haine à l’égard des femmes ». Très malin, ça. L’argument fait florès dans les décisions de censure administrative de ces dernières années, où il s’ajoute, sans la remplacer, à la traditionnelle protection de la jeunesse. Le Conseil d’État avait donné l’exemple avec Baise-moi qu’il résumait à « une succession de scènes de grande violence et de scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l’intention, affichée par les réalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmes par la société ». Quand, il y a deux ans, Christine Albanel a interdit aux mineurs Quand l’embryon part braconner, un film soft de 1966, réalisé par Koji Wakamatsu (l’interviewé de Siné Hebdo n° 36), ce fut en invoquant « une image des relations entre les êtres fondée sur l’enfermement, l’humiliation et la domination de la femme ». Et quand, le mois dernier, Michèle Alliot-Marie a interdit d’exposition (c’est-à-dire interdit tout court) la revue porno Top vision, c’est parce que, dixit la Commission de surveillance, « certaines photographies montrent des femmes attachées, ligotées ou ficelées ».

Promouvoir jouait donc sur du velours. Sauf que Charlotte Gainsbourg a eu le prix d’interprétation féminine à Cannes et que la notoriété intimide toujours la censure. Nouvelle gamelle. Ah ! que cette journée est belle !

Bernard Joubert


J’ajoute qu’une autre affaire impliquant Bernard Joubert avait fait quelques remous au printemps dernier. C’est toujours chez Charles Tatum que l’on peut en prendre connaissance : « Les censeurs et les censeuses » (15 mai 2009).
Shige

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P
J'adore le dessin... Je veux bien me charger de mon voisin, si c'est pour sauver la planète!
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