de Kreuzberg et comprendra le sens de ce titre.
Jef Aérosol, David Bowie, pochoir sur toile, 60 x 60 cm, 2009.
Vous pouvez visiter la galerie de photos des œuvres de Jef Aérosol sur Flickr.com, ici.
Il est question de la visite de Jef à Pékin, là.
Puisque l’on fête les 20 ans de la chute du mur de Berlin, je ne peux m’empêcher de songer à la présence de David Bowie à l’ouest de la ville, vers 1977. Là, dans un singulier climat, s’épanouissait une activité culturelle peu commune en Europe. Autour de 1980, la scène alternative se renforce avec les exilés australiens Nick Cave et Mick Harvey qui s’y installent et Blixa Bargeld qui fonde Einstürzende Neubauten ; une jeune génération se réclame d’un punk « authentique », à différencier de celui de Londres, qualifié hautainement de bourgeois.
Comme devait le souligner plus tard Iggy Pop, et ce fait l’avait visiblement marqué, c’est dans cette ville que David Bowie, libéré de sa paranoïa, sortait de chez lui simplement vêtu d’un jean et d’une chemise (au lieu d’un kimono et d’une tonne de maquillage ?). Les deux amis s’épaulaient mutuellement pour sortir l’un de la drogue, l’autre de la drogue. On associe à ce prolifique séjour de quelques mois en Allemagne fédérale les disques Low et « Heroes » (1977-78) et ceux d’Iggy Pop, The Idiot et Lust For Life (1976-77), deux œuvres pour lesquelles Bowie fut tout autant l’inspirateur que le producteur et le coauteur.
Il est difficile de ne pas songer aux lieues d’enregistrement de ces albums. Quoi de commun, en effet, entre le cadre familial et bucolique du Château d’Hérouville (où s’affairait Jacques Higelin) et les séances à l’étrange Hansa Ton Studio, dont les immenses baies vitrées donnaient directement sur le mur et ses miradors. Cette proximité peu rassurante avec les armées du bloc soviétique allait fournir aussi le poste d’observation d’amours inattendues : les musiciens avaient repéré un petit couple qui se bécotait tous les jours, à l’heure des repas, contre les dalles en béton du mur ; ces rencontres sous d’inhabituels auspices devaient inspirer à Bowie la chanson « Heroes ».* Lodger, qui clôt ce que l’on nomme la « trilogie berlinoise », s’il en continue l’esprit, doit plus sa réussite à la quiétude des bords du lac Léman, côté Suisse (bien sûr), qu’à l’angoissante tension est-ouest palpable à Berlin.
Un mot peut-être sur Brian Eno, crédité çà et là : je crois que l’on a exagéré son importance. En revanche, il est un homme que l’on écarte systématiquement de cette histoire, alors qu’il était présent du début à la fin. Je veux parler de l’alter ego de Marc Bolan (T. Rex), de l’architecte du succès de Sparks (Propaganda, Indiscreet), et plus tard de celui des Rita Mitsouko, le producteur des premiers Bowie (Space Oddity, 1969) jusqu’à Reality (2003), il s’agit, bien entendu, de Tony Visconti.
* Il me faut corriger cette belle légende. L’information émanait de Bowie lui-même (je l’avais lu dans la presse de l’époque, dans Best ou Rock’n’Folk). Mohamed Bouaouina (qui anime le site hard-boiled) m’a signalé une autre version du baiser près du mur, c’est Tony Visconti qui la raconte sur son site, par ailleurs excellent.
« When David asked to be left alone to write the lyrics to the track later titled “Heroes”, I went for a walk by the Berlin Wall with the lady who provided the backing vocals on some of the tracks, Antonia Maass. The studio control room overlooked the Wall and I was later told by David’s assistant, Coco, that David saw our flirtatious kiss, which inspired the lines: “I remember, standing by the Wall. The guns shot about our heads and we kissed as though nothing could fall. ” »
Doigter une choriste en loucedé, dans la rue, quand on est un producteur installé, évidemment, c’est moins exaltant qu’un couple de petits prolos, éperdu d’amour et de liberté…