Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 14:33


Aux amis de Facebook.




Ce sont des lycéens, Rickenbaker en bandoulière (les Who, toujours les Who !), ils hument l’air du temps et se font punks. Encore faudrait-il nuancer cette assertion, punks, ils le sont sans vraiment attendre la nouvelle vague. Il y a cette anecdote qui circule et qui est difficilement vérifiable : les Stinky Toys jouent en première partie des Sex Pistols en 1976, Vivienne Westwood (la compagne de Malcolm McLaren) va flasher sur l’épingle à nourrice qu’utilise Elli Medeiros ; on connaît le succès de cette agrafe et celui de Westwood à partir de ce moment-là…




Il faut réécouter les albums des Stinky Toys, ils sont remarquables. Le premier est a priori très punk, mais des chœurs inattendus et des overdubs surprenants autorisent une lecture plus complexe. Ces subtilités, cette finesse, seront d’ailleurs au centre du second album. Le disque, dit à la pochette jaune − comme on dit l’Album blanc ou le Back Album −, d’une grande maturité, est le chef-d’œuvre du groupe et offre de vrais bijoux (For You). Deux disques, c’est peu. (Les Rennais de Marquis de Sade ne feront pas mieux et après tout, on n’en connaît qu’un à mettre au compte des Sex Pistols.)




Pourtant les leurs laissent une profonde empreinte. Parce que ce qui est évident à la fin des années soixante-dix, c’est que Stinky Toys concentre toute l’attention. Étienne Daho ne se remet pas de leur premier album, il les invite à donner un concert à Rennes, s’endette à cette occasion, tombe amoureux d’Elli, réalise son premier disque en 1981 avec eux, Mythomane. Jacno réalise la production, Elli dessine la pochette (on l’oublie souvent, elle signe le lettrage de ses pochettes et a publié chez Futuropolis un livre illustré très original, Images et Paroles qui part dans tous les sens, préfacé par Loulou Picasso en 1980) et Marquis de Sade se charge de jouer la musique, rétrospectivement le casting est à tomber par terre… Sur le coup, l’album ne s’est pas vendu du tout.




Tournant résolument le dos à Stinky Toys (la pochette le montre avec dans la main une voiture de la marque Dinky Toys), Jacno réalise un mini album composé de quatre instrumentaux, plus une chanson chantée par Elli (Anne cherchait l’amour). Évènement en soi : le disque est une des très rares intrusions d’un Français dans le domaine de l’electro. Il n’y a alors que Jean-Michel Jarre dans ce domaine.

Le disque rencontre un succès dans l’Europe entière, suivant en cela ceux des « bizarreries » musicales des années soixante-dix liées à l’arrivée du synthétiseur, en particulier le moog et le vocoder (qui modifie électroniquement les voix) : Autobahn de Kraftwerk, Hot Butter de Pop Corn, Rapper’s Delight de Sugarhill Gang et avant le superbe O Superman de Laurie Anderson. On ne comprend rien au son, mais on adore.

Le disque sert de B.O. au court-métrage d’Olivier Assayas, Copyright, que je n’ai toujours pas vu. De Daho à Assayas, on le constate, l’impact de Stinky Toys dépasse largement celui d’un groupe musical classique : il crée des vocations.

Le succès de Jacno l’amène à retrouver Elli en duo. Là aussi peu d’albums, mais ce sont trois réussites ! De 1980 à 1984, Tout va sauter, Boomerang, Les Nuits de la pleine lune, empruntent des voies multiples, rock, pop et ce que l’on n’appelait pas encore la World Music (Chica Chica Bongo), un sillon qu’Elli va beaucoup creuser dans les années suivantes.

Le couple offre une image inédite en France : lui reste aussi statique derrière son clavier que peut l’être Ron Mael chez Sparks ; elle, délicieusement, ensorcelle avec son glamour. Ajoutez les charmantes mélodies, des paroles faussement naïves ; je mets au défi quiconque de résister à ces deux-là !

Lio qui connaît alors un fort succès reprend Amoureux solitaires, titre traduit d’une chanson du premier album des Stinky Toys, Lonely Lovers, et qui se trouve comme sublimé par le passage à la langue française, il devient un énorme succès.

Ce vieux con de Rohmer ne s’y trompe pas et fait appel à eux en 1984 pour composer la bande originale de Les Nuits de la pleine lune (je crois que j’étais amoureux de Virginie Thévenet), qui demeure son meilleur film avec Der Marquise von O… Le duo se sépare après le film pour des raisons que j’ignore.

Habillée par cette crapule de papiste Jean-Charles de Castelbajac, Elli Medeiros connaît un succès tout aussi impressionnant avec un premier album solo et le tube Toi mon toit. Jacno le connaît aussi, en tant que producteur (Tombé du ciel de Higelin) et avec des disques intimistes qui paraissent sans discontinuité de 1988 à 2006 (T’es loin t’es près, Une idée derrière la tête, Faux témoin, De la part des anges, French paradoxe, Tant de temps).
Musicalement, la série est très homogène, voire un peu figée (ce qui n’est pas forcément une critique, McCartney aussi est figé), Jacno ayant trouvé une formule qu’il va appliquer consciencieusement pendant vingt ans et qui consiste à mettre en avant piano et guitare, et de servir des
mélodies efficaces. L’autre partie de son succès, c’est un sens de l’humour omniprésent depuis qu’il est livré à lui-même. Un seul exemple suffit : Le Sport sur son dernier album (le clip est en ligne sur YouTube et DailyMotion). Son humour pouvant évoluer dans le sens de la dérision la plus acerbe, comme avec la reprise de Ça fait d’excellents Français de Maurice Chevalier en 1988.


Devenu au fil des ans une personnalité de la musique électronique, sorte de parrain du genre en France, Jacno apparaît dans des duos, des titres amusants (Depuis que je fume plus d’chit) et évolue avec sa manière bien à lui d’être là, sans vraiment l’être, avec son goût du décalage, on va dire.
 
Qu’est-ce qu’il reste d’Elli & Jacno ? C’est Étienne Daho qui va les sortir de l’ombre, en 1994, il parraine la parution de Symphonies de poche en Cd, sorte de Best of du duo. On notera que la pochette est signée par Loulou Picasso, de Bazooka, dont Elli est proche (elle offre une chanson à Olivia Clavel dans les années quatre-vingt).


Une partie du travail de cet homme – les périodes absolument essentielles, j’insiste, de Stinky Toys et Elli & Jacno – n’est disponible qu’en vinyle, chez les disquaires ou sur eBay. Personne ne semble vouloir prendre en charge des rééditions qui font défaut depuis tant d’années.

Jacno est décédé des suites d’un cancer, le 6 novembre 2009, il avait 52 ans.


* * *


Vous pouvez découvrir les titres de Stinky Toys et Elli & Jacno sur les sites suivants (en tout une dizaine de titres) :
http://www.myspace.com/ellietjacnoofficiel
http://www.myspace.com/ellietjacno
http://www.myspace.com/officialstinkytoys


Sources :
La photo du haut ainsi que la pochette jaune du Stinky Toys viennent du site d’Elli Medeiros dont l’adresse figure ci-contre. La photo de Façade a été volée sur le site dédié au Paris très élitiste des années soixante-dix. La pochette d’Elli & Jacno par Loulou provient des pages de Bazooka sur Picaweb. Faute de disposer des enregistrements à Paris, les informations sur les disques ont été empruntées à euthanasie.records.free.fr, à un ou deux articles débiles, j’ai fait le reste de mémoire. Les images promotionnelles pour le dernier Jacno viennent de sites publicitaire ou de vente, je ne sais plus.


Partager cet article
Repost0

commentaires

A
<br /> Merci de votre passage @ La revue des ressources concernant Jacno !<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> A vos cassettes. Merci.<br /> PS : Toi, Toit mon droit. Jeudi noir.<br /> <br /> <br />
Répondre
B
<br /> Alors d'accord pour "élitiste", dans le bon sens du terme :)<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Bernard<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> @ Bernard.<br /> <br /> Je visite votre site depuis longtemps déjà et je peux donc en parler en toute connaissance de cause. Je ne retire rien à ce que j’ai écrit sur sa dimension élitiste. Ce n’est pas péjoratif. Cela<br /> reflète la lecture que j’en ai.<br /> <br /> Au reste, je connais quelques acteurs (peu, très peu) de ces aventures et tout me confirme la justesse de ce qualificatif.<br /> <br /> Très cordialement.<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Merci pour le lien.<br /> <br /> J'ai entendu parler de la réédition en vinyle au printemps dernier du premier album de Stinky Toys, j'ignorais qu'il exista en téléchargement. C'est un premier pas encourageant.<br /> <br /> Même si je me refuse à payer sept euros pour une chose aussi volatile que des fichiers Mp3 ; sept euros, c'est du foutage de gueule !<br /> <br /> <br />
Répondre

Présentation

Recherche

Archives