Cinémathèque française
Cinéma d’avant-garde / Contre-culture générale
« Lech Kowalski, une émeute à lui seul »
Par Nicole Brenez
L’œuvre de Lech Kowalski, formé à l’École d’Arts visuels de New York, assistant de Shirley Clarke puis de Nam June Paik, accomplit l’idéal d’un cinéma populaire, c’est-à-dire par et pour le peuple, recueillant les manifestations emblématiques de l’énergie expressive en fusion que libèrent les colères, les désirs et les désespoirs contemporains. Son travail couvre trente ans d’histoire de la contre-culture, plusieurs continents et nombre des figures de la marginalité : musiciens, porn-stars, prostituées, junkies, mercenaires, sans-abris, clandestins, anciens prisonniers, tziganes… On y trouve même un cinéphile (Peter Scarlet en 2003, s’efforçant de ranimer le cinéma en Afghanistan). Commencée à l’écoute fraternelle des exorcismes punk (Johnny Thunders, les Ramones, les Sex Pistols), avec une brève mais splendide incursion dans l’émergence du hip hop (Breakdance Test), l’œuvre s’élargit progressivement aux situations et révoltes collectives pourvu qu’elles restent aussi rugueuses et spontanées que les prestations vocales d’un Joey Ramone à ses débuts. Lech Kowalski incarne en cinéma le mouvement punk : excitation maximale à la rencontre de singularités inassimilables qui obligeront le grand corps social inerte à se déplacer lentement, face à face extralucide avec la misère (sociale, mentale, sexuelle…), refus de la préservation de soi, foudroyante crudité stylistique, le trash comme résurrection critique du naturalisme. L’art non comme produit émouvant mais comme émeute productive. Cela nous vaut quelques films désormais fameux : D.O.A. (1981, sur la tournée des Sex Pistols aux États-Unis), On Hitler’s Highway (2002, rencontres de laissés pour compte au long d’une autoroute construite par les nazis et qui mène à Auschwitz), À l’Est du Paradis (2005, portrait de sa mère déportée en Sibérie et autoportrait de l’artiste en déviant américain) et bien d’autres classiques instantanés. Avec quelques complices, en 2008 Lech Kowalski crée l’entreprise Camera War, usage exemplaire des possibilités logistiques et esthétiques actuelles en matière de guérilla visuelle. (http://camerawar.tv/). « Chacun est en recherche d’une expérience mieux partagée, pure et délivrée des intérêts financiers. La montée de l’activité, de la créativité et de la rébellion à laquelle nous avons assisté en 2008 et 2009 partout dans le monde est une part de la guerre en cours. La fabrique de la propagande et de la publicité ne fonctionne plus aussi bien qu’auparavant. Les corporations paniquent. Les peuples le sentent et s’agitent. Voyons où cette énergie sans repos va nous mener. » (Lech Kowalski, 2010). Grand événement le 5 novembre : en compagnie de Mimetic, Lech Kowalski se livre à un mix en direct qui constitue le lancement de son prochain projet filmique, fresque intitulée The End of the World Starts With One Lie.
Nicole Brenez
En présence de Lech Kowalski et Odile Allard
Vendredi 10 septembre 19 h 30 : Lech Kowalski, D.O.A.
D.O.A.: A Right of Passage
de Lech Kowalski
États-Unis/1981/90’/VOSTF/16 mm
Avec Johnny Rotten, Sid Vicious, Nancy Spungen, The Clash, Generation X, The Rich Kids, The Dead Boys…
1978, la seule tournée des Sex Pistols aux États-Unis, et une interview de Sid & Nancy à Londres.
Vendredi 10 septembre 21 h 30 : Lech Kowalski, Breakdance, Gringo
Breakdance Test
de Lech Kowalski
États-Unis/1984/6’/VOSTF/16 mm
Émergence de la culture hip hop.
Gringo Story of a Junkie
de Lech Kowalski
États-Unis/1985/87’/VOSTF/16 mm
Avec John Spacely
« Premier docu-fiction de style néoréaliste sur la vie quotidienne d’un héroïnomane new-yorkais. » (O. A.)
La programmation se prolonge les 24 septembre, 1er et 22 octobre, 5 et 19 novembre 2010, le détail se trouve ici.
Illustrations : en dehors des captures d’écran, l’affiche de Story of a Junkie vient d’ici et la photo du haut de Kowalski de là.