« Mitterrand ordonne la levée de la censure aux Beaux-Arts »
Par Sophie Verney-Caillat
Rue89 le 13 février 2010
Retour à la normale à l’École des beaux-arts de Paris. Il a fallu l’intervention du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand pour que les bannières « Travailler », « Gagner », « Plus », « Moins » soient raccrochées sur la façade de l’école, comme prévu dans le cadre de l’exposition « Un week-end de sept jours ».
Ko Siu Lan a immédiatement prévenu Rue89, qui avait révélé cette affaire :
« Le ministre m’a appelée, il m’a dit “c’est idiot cette histoire, je m’en excuse personnellement. Ce n’était pas ma faute, mais dès que j’appris ce qui se passait, j’ai demandé qu’on remette immédiatement les bannières”. »
Le ministre de la Culture n’a pas encore confirmé officiellement cette initiative.
« Atteinte à la neutralité du service public »
L’artiste chinoise, élevée à Hong Kong, avait auparavant reçu un coup de fil du directeur du programme d’études dans le cadre duquel cette exposition d’anciens étudiants avait été montée. Tony Brown lui a dit que le directeur de l’École des beaux-arts et le ministre avaient pris ensemble la décision de rétablir les bannières.
Dans un premier temps, l’école avait fait savoir mercredi à la commissaire d’exposition Clare Carolin que l’interprétation politique possible du message avait choqué certaines personnes et qu’en période de recherche de financement, une telle œuvre était gênante. Puis dans un communiqué, elle avait invoqué une improbable « atteinte à la neutralité du service public » pour justifier son geste.
Les bannières ont repris leur place
Ko Siu Lan a été aidée par les équipes d’installation de l’école et vers 17 h 30, les bannières avaient repris place à l’endroit initialement prévu, sur le quai Malaquais. Elle avait refusé que son œuvre, conçue pour cet endroit précis, soit rapatriée à l’intérieur de l’école, comme proposé après le démontage des bannières mercredi.
Elle remercie tous ceux qui l’ont soutenue, « sans qui ce n’aurait pas été possible ». Parmi eux, Agnès Tricoire, son avocate, qui dès que la censure a été révélée par Rue89, s’est mobilisée et a envoyé une mise en demeure aux Beaux-Arts, mais aussi des élus parisiens comme Christophe Girard, l’adjoint à la Culture de Bertrand Delanoë qui proposait vendredi d’accueillir l’exposition au 104.
Vendredi soir, quelques manifestants avaient chahuté le vernissage de l’exposition collective amputée de l’œuvre de l’artiste chinoise : des étudiants, des professeurs et des amateurs du travail de l’artiste. « Une Chinoise qui nous donne des leçons de démocratie, c’est le comble », disait l’un d’eux (ignorant sans doute que l’artiste était originaire de Hong-Kong). « L’art est mort ici », déplorait un autre. Certains arboraient des petites bannières similaires à celles installées par Ko Siu Lan.
Toujours sur Rue89 l’article « Artiste chinoise censurée : les Beaux-Arts inventent l’art neutre ».
Le Monde a relayé la même information, « Frédéric Mitterrand demande que soit raccrochée l’œuvre d’une artiste chinoise », ici.