4 janvier 2010
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Un entretien d’Armand Farrachi avec David Chauvet
sur la collusion entre l’État et le monde de la chasse en France
Extraits
« On peut parler de la représentativité des chasseurs. Dans l’économie, leur rôle est nul. Ils sont 1 300 000 environ et représentent 2 % de la population. 2 % des Français s’approprient donc la faune sauvage, qui n’appartient à personne, et pour la détruire. Ça n’est pas pour la regarder passer. Nous avons fait réaliser un sondage : 47 % des Français sont “très favorables” ou “plutôt favorables” à l’abolition de la chasse. 73 % des Français sont contre la chasse à courre, qui est pratiquée par 0,01 % de la population. Je veux bien qu’on ne ramène pas tout à la loi du plus grand nombre, mais à ce niveau-là c’est foncièrement anti-démocratique. »
« Ils disent [les chasseurs] aimer la nature, mais ils la détruisent. La chasse est responsable de 33 % des extinctions animales. C’est comme si on détruisait les vitraux par amour des cathédrales. Ils prétendent “aimer” les animaux, mais se comportent comme des démons avec eux : ils les tirent, les poursuivent, les gazent, les piègent, les capturent. »
« Je considère que la chasse est une mauvaise tradition, ça ne vous surprendra pas. Mais même une tradition qui serait positive, disons les vœux ou les marrons glacés du nouvel an, on ne la défendrait pas parce que ce serait une tradition mais parce qu’elle serait bonne. On n’a qu’à laisser faire la nature, qui n’a pas compté sur les chasseurs pour maintenir ses équilibres, mais sur les animaux. La protection des espèces et la chasse sont incompatibles. Voilà une vérité à retenir. »
« En France, aucun randonneur n’a jamais été attaqué par un ours ou un loup. Bizarrement, il n’y a que les chasseurs, armés jusqu’aux dents, qui se trouvent systématiquement en état de légitime défense. Finalement, il n’y a qu’eux qui aient peur des animaux. »
Armand Farrachi, Pour la séparation de la chasse et de l’État, Paris, Droits des animaux, 2008. Entretien de David Chauvet.
Je précise que le livre ne coûte pas dix mais trois euros, contrairement à ce qui est indiqué en couverture ; il est en promotion. Vous pouvez vous le procurez ici.
J’ajoute cette présentation de la main d’Armand qui est donnée sur le site de Droits des animaux, là. Sa teneur profondément politique ne doit échapper à personne.
« Ils disent [les chasseurs] aimer la nature, mais ils la détruisent. La chasse est responsable de 33 % des extinctions animales. C’est comme si on détruisait les vitraux par amour des cathédrales. Ils prétendent “aimer” les animaux, mais se comportent comme des démons avec eux : ils les tirent, les poursuivent, les gazent, les piègent, les capturent. »
« Je considère que la chasse est une mauvaise tradition, ça ne vous surprendra pas. Mais même une tradition qui serait positive, disons les vœux ou les marrons glacés du nouvel an, on ne la défendrait pas parce que ce serait une tradition mais parce qu’elle serait bonne. On n’a qu’à laisser faire la nature, qui n’a pas compté sur les chasseurs pour maintenir ses équilibres, mais sur les animaux. La protection des espèces et la chasse sont incompatibles. Voilà une vérité à retenir. »
« En France, aucun randonneur n’a jamais été attaqué par un ours ou un loup. Bizarrement, il n’y a que les chasseurs, armés jusqu’aux dents, qui se trouvent systématiquement en état de légitime défense. Finalement, il n’y a qu’eux qui aient peur des animaux. »
Armand Farrachi, Pour la séparation de la chasse et de l’État, Paris, Droits des animaux, 2008. Entretien de David Chauvet.
Je précise que le livre ne coûte pas dix mais trois euros, contrairement à ce qui est indiqué en couverture ; il est en promotion. Vous pouvez vous le procurez ici.
J’ajoute cette présentation de la main d’Armand qui est donnée sur le site de Droits des animaux, là. Sa teneur profondément politique ne doit échapper à personne.
Séparation de la chasse et de l’État
Contrairement à ce que disent les chasseurs, le « droit de chasse » n’est pas une « conquête de 89 ». Ce qui a été aboli la nuit du 4 août 1789, c’est le privilège exclusif de la chasse, exercé dans les capitaineries royales et les réserves. La législation de la chasse date de mars 1844, c’est-à-dire de la monarchie de juillet, et non de la république. Quant aux fédérations de chasse, elles ont été créées par une ordonnance du 28 juin 1941, c’est-à-dire du gouvernement de Vichy, qui souhaitait remplacer les associations et les syndicats par des corporations.
Le droit de la chasse est aujourd’hui principalement dérogatoire, ce qui veut dire qu’il échappe toujours aux lois de la République (« nuisibles », périodes complémentaires), de même qu’au droit communautaire européen (directives « Oiseaux », loi Verdeille, etc.). Il s’agit donc d’une législation foncièrement anti-démocratique, qui méconnaît aussi bien les droits des non chasseurs (98,8 % de la population) que les nécessités de la protection des espèces (oiseaux migrateurs, grands prédateurs). Le fait que les chasseurs contrôlent la garderie, que des sièges leur soient majoritairement réservés dans les préfectures et les conseils généraux sans la moindre élection, qu’ils bénéficient de mesures spéciales de la part des préfectures (généralement annulées en vain par les tribunaux administratifs), de la complicité de nombreux maires et de la cécité volontaire de magistrats pour que la question soit préoccupante. Au Sénat, par exemple, les chasseurs sont sur-représentés par des sénateurs qui bloquent toute réforme. Ce sont donc les chasseurs qui défendent non « une conquête de 89 » mais un privilège d’Ancien Régime contre l’intérêt général et contre l’immense majorité d’un Tiers état non chasseur voire opposé à la chasse. Or, en cas de désaccord entre un ministre et les chasseurs, c’est le ministre qui s’en va. Les chasseurs imposent des zones de non-droit (col de l’Escrinet, Platier d’Oye, baie de Seine, pointe de Grave, grande Brière…) où ils entendent se livrer au braconnage sans contrôle ni répression, quitte à interdire l’accès des zones qu’ils veulent contrôler aux gardes-chasse. Les militants écologistes qui s’opposent à eux font presque systématiquement l’objet de menaces et d’agressions, contre les biens ou contre les personnes, dont les auteurs sont rarement poursuivis et moins encore condamnés. Nous demandons la séparation de la chasse et de l’État, comme jadis de l’Église et de l’État.
La culture de la chasse, si fort revendiquée par les chasseurs, repose essentiellement sur les notions de tradition et de terroir, de la « France profonde », de la ruralité, en quoi l’on reconnaît l’idéologie de l’extrême droite depuis le XIXème siècle : le culte des morts et de la terre, des racines. Cette idéologie oppose le village à la ville, la France à l’Europe, le plaisir personnel au bien public (qui consisterait plutôt à protéger les espèces).
Cette collusion entre la délinquance, les pouvoirs politiques et l’idéologie évoque les pires souvenirs. Aucune démocratie digne de ce nom ne peut s’accommoder de la chasse telle qu’elle existe en France, où l’on compte le plus grand nombre de chasseurs et les plus grand nombre d’espèces chassées, le plus longtemps et par le plus de moyens !
Il faut rappeler également que la chasse est une école du crime. On critique à bon droit les Américains qui revendiquent le droit de porter une arme, mais la chasse met légalement en circulation en France 16 millions d’armes. Dans les campagnes, tout le monde est armé. En cas de colère, il est plus facile de tirer quand on a une arme sous la main et qu’on s’est accoutumé tous les dimanches à tuer des êtres vivants. On remarquera que la plupart des crimes sont commis avec une arme de chasse par un chasseur.
• Pour résumer, les raisons d’abolir la chasse sont donc d’ordre : éthique (réconcilier les hommes et les animaux, lesquels ont aussi droit à l’existence, décourager les pulsions de violence)
• écologique (protection des espèces, pollution au plomb et au plastique des cartouches, restauration des équilibres naturels, partage des espaces)
• de sécurité (accidents de chasse, pacification des campagnes, limitation des crimes et des armes)
• politique (disparition d’un lobby populiste hérité de Vichy, séparation de la chasse et de l’État, clientélisme électoral)
Tout le monde parle de « moderniser » la France, mais la première chose à faire serait de se débarrasser des archaïsmes et des anachronismes d’Ancien Régime, et, en tout premier lieu, de la chasse à courre.
Le droit de la chasse est aujourd’hui principalement dérogatoire, ce qui veut dire qu’il échappe toujours aux lois de la République (« nuisibles », périodes complémentaires), de même qu’au droit communautaire européen (directives « Oiseaux », loi Verdeille, etc.). Il s’agit donc d’une législation foncièrement anti-démocratique, qui méconnaît aussi bien les droits des non chasseurs (98,8 % de la population) que les nécessités de la protection des espèces (oiseaux migrateurs, grands prédateurs). Le fait que les chasseurs contrôlent la garderie, que des sièges leur soient majoritairement réservés dans les préfectures et les conseils généraux sans la moindre élection, qu’ils bénéficient de mesures spéciales de la part des préfectures (généralement annulées en vain par les tribunaux administratifs), de la complicité de nombreux maires et de la cécité volontaire de magistrats pour que la question soit préoccupante. Au Sénat, par exemple, les chasseurs sont sur-représentés par des sénateurs qui bloquent toute réforme. Ce sont donc les chasseurs qui défendent non « une conquête de 89 » mais un privilège d’Ancien Régime contre l’intérêt général et contre l’immense majorité d’un Tiers état non chasseur voire opposé à la chasse. Or, en cas de désaccord entre un ministre et les chasseurs, c’est le ministre qui s’en va. Les chasseurs imposent des zones de non-droit (col de l’Escrinet, Platier d’Oye, baie de Seine, pointe de Grave, grande Brière…) où ils entendent se livrer au braconnage sans contrôle ni répression, quitte à interdire l’accès des zones qu’ils veulent contrôler aux gardes-chasse. Les militants écologistes qui s’opposent à eux font presque systématiquement l’objet de menaces et d’agressions, contre les biens ou contre les personnes, dont les auteurs sont rarement poursuivis et moins encore condamnés. Nous demandons la séparation de la chasse et de l’État, comme jadis de l’Église et de l’État.
La culture de la chasse, si fort revendiquée par les chasseurs, repose essentiellement sur les notions de tradition et de terroir, de la « France profonde », de la ruralité, en quoi l’on reconnaît l’idéologie de l’extrême droite depuis le XIXème siècle : le culte des morts et de la terre, des racines. Cette idéologie oppose le village à la ville, la France à l’Europe, le plaisir personnel au bien public (qui consisterait plutôt à protéger les espèces).
Cette collusion entre la délinquance, les pouvoirs politiques et l’idéologie évoque les pires souvenirs. Aucune démocratie digne de ce nom ne peut s’accommoder de la chasse telle qu’elle existe en France, où l’on compte le plus grand nombre de chasseurs et les plus grand nombre d’espèces chassées, le plus longtemps et par le plus de moyens !
Il faut rappeler également que la chasse est une école du crime. On critique à bon droit les Américains qui revendiquent le droit de porter une arme, mais la chasse met légalement en circulation en France 16 millions d’armes. Dans les campagnes, tout le monde est armé. En cas de colère, il est plus facile de tirer quand on a une arme sous la main et qu’on s’est accoutumé tous les dimanches à tuer des êtres vivants. On remarquera que la plupart des crimes sont commis avec une arme de chasse par un chasseur.
• Pour résumer, les raisons d’abolir la chasse sont donc d’ordre : éthique (réconcilier les hommes et les animaux, lesquels ont aussi droit à l’existence, décourager les pulsions de violence)
• écologique (protection des espèces, pollution au plomb et au plastique des cartouches, restauration des équilibres naturels, partage des espaces)
• de sécurité (accidents de chasse, pacification des campagnes, limitation des crimes et des armes)
• politique (disparition d’un lobby populiste hérité de Vichy, séparation de la chasse et de l’État, clientélisme électoral)
Tout le monde parle de « moderniser » la France, mais la première chose à faire serait de se débarrasser des archaïsmes et des anachronismes d’Ancien Régime, et, en tout premier lieu, de la chasse à courre.
Par Armand Farrachi,
écrivain et membre fondateur
de la Convention Vie et Nature
pour une écologie radicale.
écrivain et membre fondateur
de la Convention Vie et Nature
pour une écologie radicale.