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4 août 2011 4 04 /08 /août /2011 00:42

 

 

 

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Suite aux tensions de ces dernières semaines dans le Xinjiang, au nord-ouest de la Chine (en rouge sur la carte ci-dessus), je donne à lire l’intégralité de cet entretien très éclairant sur ce que subie la population ouïghoure, une « minorité » que Nicolas Bequelin compare aux Tibétains.

Bravo M. Thibault !

 

 

Xinjiang : « Les accusations du gouvernement
chinois sont peu crédibles »

Harold Thibault, Le Monde du 4 août 2011

 

Nicholas Bequelin, enquêteur à la division Asie de Human Rights Watch et spécialiste du Xinjiang, analyse les récentes violences perpétrées dans la région et la répression dont sont victimes les Ouïgours par le gouvernement chinois.

Les autorités de Kashgar ont attribué l’attentat de dimanche au Mouvement islamique du Turkestan oriental. Que savez-vous de ce groupe ?

Les accusations du gouvernement chinois sont peu crédibles. Depuis le 11-Septembre, la stratégie de Pékin a été d’exagérer le risque terroriste au Xinjiang et ses supposées connexions avec le terrorisme international afin de légitimer sa très dure répression dans la région. L’ETIM est un petit groupe dont l’existence était attestée à la fin des années 1990 mais qui a très probablement cessé d’être actif depuis. Ses membres se sont dispersés : deux de ses ex-dirigeants, qui faisaient parti de la mouvance Moudjahidin en Afghanistan, ont été tués ces dernières années, l’un en 2003 et l’autre en 2010 ; certains membres ont été détenu pendant plusieurs années à Guantanamo, puis relâchés après que l’administration américaine a estimé qu’ils ne posaient pas de danger.

Mais le gouvernement chinois continue d’invoquer le nom d’ETIM à chaque incident violent car au lendemain du 11 septembre 2001, Pékin avait réussi à faire inscrire ce groupe parmi une liste d’organisations terroristes aux Nations Unies, avec le soutien des États-unis, désireux à l’époque de recruter le soutien chinois dans la « guerre contre la terreur ». La désignation de ce groupe répond à la stratégie du gouvernement chinois de légitimer sa répression aux yeux de la communauté internationale et de tenter de focaliser l’attention sur des facteurs externes plutôt que sur les sources domestiques des tensions inter-ethniques qui sont derrière ces incidents meurtriers.

Il n’y a pas de véritable mouvement séparatiste organisé au Xinjiang, en partie à cause de l’efficacité de la répression, mais il existe de petits groupes locaux qui se font et se défont et parviennent parfois à mener quelques actions violentes : attaques contre des forces de l’ordre, assassinats de cadres ouïgours accusés de collaborer avec le gouvernement Chinois, ou attaques à l’explosif de symboles de la présence chinoise. Ces dernières années les attaques contre des civils Hans se sont multipliées, sans doute afin de décourager les colons Hans de s’installer dans la région en nombre toujours croissant.

 

Pékin estime que les hommes derrière cet attentat ont été formés au Pakistan. Le Xinjiang étant frontalier du Pakistan et de l’Afghanistan, quelle est, selon vous, la réalité de l’infiltration de groupes terroristes étrangers en territoire chinois ?

Il n’y a aucune preuve d’infiltration, seulement quelques cas de ouïgours partis étudier ou se joindre à la mouvance radicale au Pakistan ou en Afghanistan qui ensuite rentrent en Chine. La cause ouïgoure ne fait pas partie de la vulgate du mouvement islamique radical. De plus, le gouvernement et les services de renseignement pakistanais veillent à ne pas protéger leur plus puissant allié, la Chine, et ne tolèreraient en aucun cas l’utilisation de leur territoire comme base arrière de militants ouïgours.

 

Dans la population ouïgoure, quelles sont les revendications, quels sont les facteurs problématiques dans la relation avec le gouvernement chinois ?

Le peuple ouïgour, comme les Tibétains, font face à une formidable entreprise d’assimilation de leur territoire de leur population de la part de l’État Chinois. Cette assimilation s’accompagne d’une répression politique et religieuse féroce, d’un assaut contre toutes les formes d’expression culturelles distinctes, et de violations massives des droits de l’homme. Au lieu de l’autonomie promise par les textes, les ouïgours se sentent progressivement relégués à devenir des étrangers dans leur propre patrie.

Imposition de la langue chinoise à l’école, destruction délibérée du patrimoine historique et culturel ouïgour, censure omniprésente, campagnes anti-terroristes incessantes, vagues répétées d’arrestations, de disparitions et de torture de soi-disant « séparatistes », discrimination socio-économique permanente et un afflux toujours plus grand de migrants Hans génèrent des tensions toujours plus grandes. Ce sont ces facteurs qui expliquent la violence soudaine des attaques contre la population chinoise lors des émeutes de juillet 2009 à Urumqi, qui ont causé plusieurs centaines de morts, ou l’attaque aveugle à Kashgar la semaine dernière.

 

Comment a évolué la relation entre les autorités chinoises et cette minorité depuis les violences du 5 juillet 2009 à Urumqi ?

À la suite des émeutes le gouvernement a lancé une campagne de répression indiscriminée qui a contribué à renforcer encore plus l’hostilité des Ouïgours face aux autorités chinoises. Depuis des années la population ouïgoure vit dans la peur continuelle de dire ou de faire quoi que ce soit qui puisse être interprété comme une critique des politiques chinoises au Xinjiang, sous peine d’arrestation immédiate.

Les très lourdes condamnations régulièrement imposées à des journalistes, intellectuels, étudiants et autres suspects d’avoir critiqué certaines politiques chinoises – ce que l’État assimile aussitôt à une incitation au « séparatisme » – témoignent de la réalité de cette répression. Pour les autorités chinoises, toute critique de la situation au Xinjiang venant d’un membre de la communauté ouïgoure est un acte visant à promouvoir le séparatisme, ce qui exclue toute possibilité de dissension ou d’opposition pacifique.

 

En particulier, quelle est la situation à Kashgar ?

La situation à Kashgar est dominée depuis deux ans par l’imposition par le gouvernement de la destruction de 80 % de la ville traditionnelle multi-séculaire ouïgoure qui en formait le cœur. Cette ville, au patrimoine architectural de style centre-asiatique unique au monde, est progressivement remplacée par des immeubles modernes, modelés sur ceux du reste de la Chine et souvent inabordables pour les familles expropriées qui sont, elles, réinstallées dans des cites dortoirs à la périphérie de la ville.

 

Propos recueillis par Harold Thibault.

 

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commentaires

S
<br /> <br /> Merci pour les références.<br /> J'ai annoncé par deux fois la publication de la brochure Les Incidents de classe en Chine, en mai et juin 2010.<br /> Le texte sur le Tibet m'avait échappé, je vais le consulter.<br /> Très cordialement.<br /> Shige<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Bonjour, au vu de certains articles que vous publiez sur votre blog (super intéressant au passage, je le consulte assez régulièrement), voici deux publications qui pourraient éventuellement vous<br /> intéresser?<br /> <br /> <br /> Bonne continuation.<br /> <br /> <br /> Tibet : la rage en éclats :<br /> <br /> <br /> http://infokiosques.net/spip.php?article587<br /> <br /> <br /> Incidents de classe en Chine :<br /> <br /> <br /> http://infokiosques.net/spip.php?article790<br /> <br /> <br /> <br />
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