
À Marc K., qui croyait que j’étudiais les Zazous !
Sur le site d’Alluria, un article vient rappeler ce qu’à été le mouvement Zazou en France sous l’Occupation. Entre jazz et contestation, les Zazous affichaient leur anti-conformisme et opposaient un esprit de dérision absolu à l’action du gouvernement de Vichy et à l’occupant nazi.
Aussi inconscients que téméraires, ces jeunes gens portaient l’étoile jaune avec inscrit dessus « Zazou », « Goy » ou « Swing » ! On les a vu manifester sur les Champs-Élysées, une canne à pêche dans chaque main (deux gaules). Ces provocations en ont emmené plus d’un à Drancy.
À ma connaissance, il n’existe pas dans les rues de Paris une seule plaque commémorant cette forme d’héroïsme, alors que les policiers de l’île de la Cité ont le droit à une mention que j’ai découvert récemment, ce qui est indécent.

L’article s’achève sur le clip de la chanson Y’ a des Zazous, créée par Andrex en 1943, et que reprennent en duo Brigitte Fontaine et Mathieu Chédid. Je n’avais jamais entendu cette formidable reprise !
Y’ a des Zazous
(paroles Raymond Vincy / musique Henri Martinet)
Jusqu’ici sur terre un homme pouvait être
Blanc ou noir, ou rouge, ou jaune et puis c’est tout
Mais une autre race est en train d’apparaître
C’est les Zazous, c’est les Zazous
Un faux col qui monte jusqu’aux amygdales
Avec un veston qui descend jusqu’aux genoux
Les cheveux coupés jusqu’a l’épine dorsale
Voila l’Zazou, voila l’Zazou
Y a des Zazous dans mon quartier
Moi je l’suis déjà à moitié
Un de ces jours à votre tour
Vous serez tous Zazous comme eux
Car le Zazou c’est contagieux
Ça commence par un tremblement
Qui vous prend soudain brusquement
Et puis on pousse des hurlements Ah !
Wa da la di dou da di dou la wa wa !
Si vous rencontrez un jour sur votre passage
Un particulier coiffé d’un fromage mou
Tenant dans ses doigts un poisson dans une cage
C’est un Zazou, c’est un Zazou !
Si votre épicier vous dit :
J’ai du gruyère
Mais malheureusement il ne reste que les trous,
Ne supposez pas qu’il fuit de la cafetière :
Il est Zazou, il est Zazou !
au refrain
À son futur gendre avant-hier ma concierge
Disait : Voyez vous, ma fille est un bijou
Elle est encore mieux que si elle était vierge
Elle est Zazou, elle est Zazou !
En prenant l’train j’ai vu le chef de gare
Qui m’a dit : « Mon cher, j’suis plus cocu, du tout
Je suis quelque chose de beaucoup plus rare :
Je suis Zazou, je suis Zazou ! »
au refrain
À la société devant payer sa dette
Devant la guillotine Gégène a dit : J’m’en fous
Y a déjà longtemps que j’ai perdu la tête
Je suis Zazou, je suis Zazou !
Avec une mondaine de la place Pigalle
Mon ami Léon a fait les quatre cents coups
Ça lui réussi car pour ses vingt-cinq balles
Il est Zazou, il est Zazou !
Y a des zazous dans mon quartier
Moi je l’suis déjà à moitié
Et à mon tour un de ces jours
On finira par m’emmener
Dans un asile d’aliénés
Entre zazous, on s’retrouvera
Et c’est fou ce qu’on rigolera
Quand sous la douche on chantera
Wa da la di dou da di dou la wa wa !
© Éditions réunies / Méridian
La photo de l’étoile jaune Zazou vient du site Libcom.org qui consacre un long article à cette question, c’est à lire ici en anglais.
J’ai repéré un ouvrage paru en 1977 que j’aimerais beaucoup me procurer, Les Zazous de Jean-Claude Loiseau (Le Sagittaire). Le catalogue de la BN donne deux autres références : un recueil de souvenirs (Zazous et résistants : nos 20 ans de Marie-Madeleine Malochet aux Éditions du Chemin de ronde) et une étude beaucoup plus large puisqu’elle embrasse les Merveilleux, les dandys et les punks (Morale du masque de Patrice Bollon, Le Seuil, 1990), ce qui n’a rien de surprenant. Cet amalgame me gêne d’ailleurs un peu, j’en parle sans avoir lu le livre : les dandys, bien que radicaux, étaient assez peu concernés par le politique, les Merveilleux et les Incroyables étaient carrément réactionnaires. Je ne vois donc pas grand-chose de commun à tous ces groupes, sauf à s’en tenir à l’aspect purement vestimentaire, ce qui est de peu d’intérêt, ou à entretenir la confusion.
Photo extraite d’un site de vente.
Le dessin de la couverture du livre de Loiseau illustre bien les démêlés de nos héros avec les autorités de Vichy. Il est intéressant de voir à quel point ce milicien pressé de couper court aux arguments du Zazou, la tondeuse à la main, ressemble aux rednecks qui, vingt ans plus tard aux États-Unis, s’en prendront d’abord aux Beatles puis aux Hippies. À bien des égards, les Zazous sont à rapprocher de la contre-culture.