
La cinémathèque française organise une rétrospective des films de Jacques Tati et présente une copie restaurée de son chef-d’œuvre Les Vacances de Monsieur Hulot (1953). C’est l’occasion de revoir ou découvrir la brève filmographie (six longs métrages) d’un des plus grands réalisateurs français, et certainement un des plus grands comiques du XXe siècle. Parce qu’il n’a fait que des œuvres humoristiques, Tati n’a jamais gagné le respect qui lui est dû, particulièrement en France*, pays où l’on n’aime pas l’humour.

À côté de ces projections, une exposition est organisée, ainsi qu’un cycle de conférences. Parmi ces dernières, je recommande vivement celle intitulée « Comment naît un gag ? » de ces deux amis de longue date et anciens collaborateurs de Tati, Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière (jeudi 7 mai 2009 à 19 h, suivie de la projection de Parade de Tati). En plus d’être un cinéaste original (Le Soupirant), Etaix est dessinateur (une exposition au Musée en Herbe qui prend fin dans quelques heures) et clown (il est proche des Fratellini) ; c’est, par ailleurs, une personnalité très attachante. Actif depuis près de cinquante ans, Jean-Claude Carrière est un des scénaristes français les plus célèbres dans le monde. On retiendra sa collaboration avec Luis Buñuel, faite de passionnantes adaptations de romans (Le Journal d’une femme de chambre d’après Octave Mirbeau, Cet obscur objet du désir d’après La Femme et le pantin de Pierre Louÿs), d’acrobaties narratives (Le Fantôme de la liberté), de récits hérétiques (La Voie lactée) et de provocations surréalistes (Le Charme discret de la bourgeoisie).
On ne devrait pas s’ennuyer non plus à cette autre conférence – mais, pour des raisons toutes différentes. Comme la cinémathèque est dirigée par Serge Toubiana, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, il faut évoquer Jean-Luc Godard, même lorsque le sujet principal est Jacques Tati. Or qui est mieux placé pour en parler qu’un autre ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma ? (Mais quelle mafia ! Il n’y a vraiment qu’en France que l’on assiste à cela sans crier au scandale.) Téméraire, Alain Bergala, le dit ancien rédacteur en chef des Cahiers, s’aventure dans une périlleuse démonstration : la « tentation burlesque » chez Godard. Prudent, il présente d’entrée de jeu ce burlesque comme « erratique et discret ». Il fait bien.
* Pour tempérer ce jugement sur la reconnaissance de Tati, j’ajouterai que les efforts de Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, depuis une quinzaine d’années, ont beaucoup contribué à sortir Tati de la relative marginalité dans laquelle subsistait son œuvre. Avec de solides relais dans la presse, et fort de leur succès avec les Deschiens, ils ont pu refaire parler de lui au moment de la réédition de Playtime et de la découverte de la version en couleurs de Jour de fête (voir le site http://www.tativille.com, difficile d’accès en Chine). Sur le statut de l’humour en France, je persiste et je signe.
L’autre non…
Deux fois dans ma vie, j’ai compris ce qu’était le génie :
la première fois, en regardant la définition dans le dictionnaire,
et la seconde fois, en rencontrant Pierre Etaix.
Jerry Lewis
Un ami me signale la triste affaire qui arrive à Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière. Les films qu’ils ont co-écrits sont bloqués par un financier véreux (un pléonasme) qui empêche leur diffusion. Tous les détails de ce commerce sordide sont sur http://sites.google.com/site/petitionetaix/ et sur http://www.lesfilmsdetaix.fr/fretaix.html
Je vous conseille de télécharger et lire directement le dossier de presse, qui est très bien fait et plus clair que les pages indiquées là.