« El final de este estado de cosas, redux »
Le 29 mai 2010
À Créteil, à la Maison des arts (MAC) à 20 h 30.
Israel Galván avec Fernando Terremoto, Juan José Amador, Alfredo Lagos, José Carrasco, Bobote, Proyecto Lorca, Orthodox and Eloísa Cantó.
Service réservation au 01 45 13 19 19.
Le 31 mai, du 1er au 5 juin 2010
À Paris, au Théâtre de la ville à 20 h 30.
www.theatredelaville-paris.com


« Israel Galván, le flamenco galvanisé »
Par Marie-Christine Vernay
Libération du 29 juin 2009
Festival. À Montpellier, solo foudroyant du danseur sévillan.
Montpellier Danse a déjà une longue histoire avec le flamenco. On se souvient d’un spectacle hors du commun proposé par Antonio Canales, aujourd’hui disparu de la scène française et c’est bien dommage. En 2007, Israel Galván amenait de Séville où il réside, Arena, spectacle sur la tauromachie et ses figures. Dans une autre pièce, La Edad de Oro, il rendait hommage au flamenco, de Vicente Escudero à Carmen Amaya.
Car il ne rénove pas le genre, il le refonde. Son coéquipier, directeur artistique et dramaturge, historien et connaisseur du flamenco, n’est pas pour rien dans la tenue des œuvres présentées [il s’agit de Pedro G. Romero]. Retour à l’histoire et ténacité dans l’invention. La danse d’Israël Galván travaille non-stop depuis son enfance, bercée par la lecture de la Bible le matin et les planches le soir. Son père et sa mère étaient du métier. Le métier du bois sur lequel les pieds se posent pour faire entendre le chant profond. Dans son nouveau spectacle créé à Séville en Espagne, et en France à Montpellier, El Final de este estado de cosas, Redux, le plancher est soumis à rude épreuve, éventré comme sous le choc d’un tsunami. Galván danse comme s’il voulait annoncer une réconciliation, une force tellurique nouvelle, imminente. Au finale, autre séquence phare du spectacle, il s’épuise sur le plus petit tablao du monde, son propre cercueil qu’il piétine avec ses sabots de cheval, avant de se lover, comme un mort vivant dans sa boîte de pin.
Témoins de Jehovah. Pour le reste, c’est du délire, du chaos, pur désastre au sens où le danseur se serait séparé de l’astre qui indique la direction de l’homme. Grandi dans une famille religieuse où certains sont témoins de Jehovah, il ne dit rien de ses propres convictions, sinon que parfois il doute et qu’il se prend à penser que peut-être un dieu existe. Cela ne calme pas sa ferveur scénique. Une heure, deux ou trois, n’importe, le temps ne peut le contenir. Ni contenir ses débordements, car par-delà le flamenco, comme s’il faisait un pas de côté, il glisse vers le butoh, rendant hommage à la femme-homme, à la folle qu’est Kazuo Ohno.
« Dansant au-dessus du risque » comme il le dit lui-même, sur le fil du couteau, Galván repousse la fin du monde, tout en l’appelant. Sa précision est impressionnante, ses mains qui s’ouvrent tout en contenant la rage du poing, ses pieds qui accélèrent le temps, ses hanches qui ont pris clandestinement de l’attitude féminine… En solo, car cette configuration n’est pas seulement l’apanage de la danse moderne, avec juste une danseuse qui apporte une touche de rouge, il prend le rythme de Saint-Jean et de son texte. Mais comme cela ne lui suffit pas, il convoque des orchestres. Différents les uns des autres, l’un heavy metal, l’autre traditionnel flamenco et le troisième encore jazz contemporain. On ne sait où l’on navigue, c’est foudroyant, jeté à même le bois, pour mettre fin, comme le titre l’indique à cet état des choses.
Danse aveuglée. Rien à voir avec Mi ultimo secreto de Mercedes Ruiz. On revient à une sorte d’académisme bien pensant. Tout sous contrôle, le défilé des robes ne suffit pas à nous emporter, ni même un solo où la formidable danseuse revêt l’habit du torero. La chorégraphe n’en dit pas assez sur son désir d’une danse aveuglée. C’est regrettable, bien que remédiable. Beaucoup, du public, l’ont aimée. On en saura sans doute plus avec la création d’Andrès Marin, sur un flamenco qui a quitté ses parures décoratives pour devenir une danse contemporaine référencée. Pour mettre fin à cet état des choses, comme dit Galván.
Marie-Christine Vernay
La première photo est signée Felix Vasquez, les suivantes viennent du dossier de presse du spectacle, disponible ici en Pdf.
Galván au dernier festival d’Avignon, où il présentait « El final de este estado de cosas, redux», c’est ici et là.