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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 11:34

 

 

 

Le monde appartient à ceux qui se soulèvent tôt
Le Monde du 23 mars 2011

 

Que la sociologie prenne souvent parti pour le maintien de l’ordre, c’est un fait connu, mais il est plus inhabituel de voir un sociologue s’engager carrément du côté de la police. Tel est pourtant le cas de l’auteur d’un article intitulé « Démasquer les méthodes du collectif de Tarnac » publié le 7 mars sur Le Monde.fr.

Comme dans une garde à vue, M. Cibois feint de comprendre l’inverse de ce qu’ont écrit les « mis en examen de Tarnac » dans une tribune publiée dans Le Monde daté 24 février : « Il importe peu de savoir à qui, pour finir, on imputera les actes qui furent le prétexte de notre arrestation. » Tenir ces lignes pour un aveu, ou pire, pour la revendication des actes en question : il faut pour cela avoir l’âme d’un policier ou d’un juge d’instruction antiterroriste. Quiconque a un peu suivi l’affaire sait que les sabotages en question ont été revendiqués par un groupe allemand le jour même des faits, que le crochet est comme une signature des antinucléaires allemands, et que cette méthode ne comporte aucun danger pour la vie humaine. La dernière fois que la France a convoyé outre-Rhin des déchets nucléaires, il s’est trouvé quelque 50 000 personnes pour essayer de bloquer le convoi. Traiter de « terroristes » ceux qui s’opposent à l’empoisonnement du monde par le lobby nucléaire relève de la terreur d’État.

Si l’on s’en tient aux faits, cette affaire se réduit à la tentative désespérée d’attribuer à deux personnes un sabotage, celui de Dhuisy, en Seine-et-Marne. Ce sabotage n’a d’ailleurs arrêté aucun train. Il a endommagé huit petits bouts de plastique qui ont été changés en un tourne-main par la SNCF – ce qui a peut-être coûté deux ou trois mille euros, à mettre en balance avec les deux ou trois millions d’euros de frais engagés pour l’instruction de l’affaire. Cette disproportion entre les faits et la procédure est bien la preuve – l’une des preuves – du caractère politique de cette instruction.

Un sociologue n’est pas tenu d’être historien, c’est vrai, mais il y a des limites à l’ignorance. M. Cibois propose de déployer contre les gens de Tarnac les méthodes utilisées par l’État italien contre les Brigades rouges dans les années 1970. Il reprend même à son compte la métaphore répandue à l’époque : « Assécher la mer pour prendre le poisson. » Cette riche idée, dont la « démocratie » italienne ne s’est jamais relevée, a signifié : lois d’exception, torture, tirs à balles réelles sur des manifestants, rafles massives, assassinats ciblés. Francesco Cossiga, ministre de l’intérieur de l’époque, a reconnu plus tard avoir mené une guerre. M. Cibois, partisan de « l’action collective non violente », propose donc de mener « dans une démocratie comme la France » une guerre du même genre. On reconnaît là une pensée que M. Cibois partage avec son collègue Alain Bauer, comme lui prêt à tout pour défendre « la société ». Il est vrai que pour un sociologue, la société est en quelque sorte un gagne-pain.

« Il n’est pas possible, écrit M. Cibois, d’identifier la France avec la Tunisie de Ben Ali sous prétexte de persécutions policières. » En effet, l’empilement des lois sécuritaires depuis dix ans – avec, dernière en date, une Loppsi 2 digne de la présente démocratie chinoise – n’est pas le seul symptôme de la « Benalisation » du régime en France. Il faut y ajouter le placement de proches du président, voire de sa famille, à des postes-clefs de l’économie et des médias, le caractère tristement fantoche de l’opposition officielle, l’extension de la misère dans un corps social dont les « élites » se disputent les derniers morceaux de choix. Sans compter le chiffre annuel record des gardes à vue, les yeux crevés au flashball, les morts du taser, les étouffés dans les fourgons de police, les chauffards abattus aux barrages « en légitime défense ». En attendant que M. Cibois et consorts aient fini de soupeser la légitimité de l’insurrection, soutenons, appuyons tous ceux qui sont entrés en lutte ouverte avec ce régime. Le monde appartient à ceux qui se soulèvent tôt.

Éric Hazan, éditeur

 

On peut juste regretter qu’il n’y ait qu’Éric Hazan, ami de Julien Coupat, pour réagir à l’article de Cibois. Et les sociologues, ils pensent quoi ? Ils laissent dire. Bravo, quelle apathie !

 

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commentaires

S
<br /> <br /> http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/07/demasquer-les-methodes-du-collectif-de-tarnac_1488695_3232.html<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Démasquons les porcs !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Comme ce con de Cibois éprouve quelques scrupules à répondre à la critique (voir son commentaire ci-dessus, à<br /> l’image de sa pensée : vide), je reprends son texte pour Le Monde ; ainsi on mesurera<br /> l’abjection du personnage. Question discrédit, le lire suffit amplement.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Shige<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Démasquer les méthodes du collectif de Tarnac<br /> <br /> <br /> Le Monde du 7 mars 2011<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Les "mis en examen dans l'affaire dite de Tarnac" viennent de préciser leur attitude dans Le Monde du 25 février<br /> : il faut les critiquer mais aussi leur répondre. Les critiquer d'abord : il n'est pas possible d'identifier la France avec la Tunisie de Ben Ali sous prétexte de persécutions policières. En<br /> effet, si la police les pourchasse, c'est, disent-ils, pour des "motifs dérisoires" comme s'attaquer à des distributeurs automatiques, des voitures, ou poser "quelques innocents crochets" sur des<br /> caténaires. L'aveuglement est ici total car si ces violences ne portent pas atteinte aux personnes, elles relèvent du mécanisme qui est celui de toute insurrection dont la légitimité est à peser<br /> avec soin.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La rébellion peut être un devoir moral, on l'affirme depuis Sophocle dans le cas d'Antigone et la Résistance l'a<br /> rappelé, mais il faut que les actions utilisées soient adaptées au but recherché pour qu'elles deviennent légitimes. Ce n'est pas le cas : on ne lutte pas contre la crise en "bloquant les flux",<br /> périphrase employée pour bloquer les TGV. De plus, les "tarnaciens" retrouvent des réflexes classiques : comme on n'arrive pas à faire la révolution, on se rabat sur des objectifs plus limités<br /> et, comme ceux-ci sont l'objet de poursuites pénales, se produit alors le cercle de la répression protestation qui devient la justification idéale. Comme la réalité de la répression ne peut être<br /> mise en doute, elle légitime d'une manière rétroactive ce qui a été fait auparavant.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Dans une démocratie comme la France, c'est l'action non-violente qui doit être utilisée car son efficacité est<br /> liée au fait que l'on doit arriver à convaincre. Une manifestation, une grève, un boycott, une pétition supposent autrement d'énergie qu'un sabotage ponctuel : il faut argumenter, expliquer et ne<br /> pas rester dans les certitudes du cercle restreint de ses camarades. Penser que l'on a raison contre l'apathie des masses et que l'on est la conscience qui réveillera les intelligences ne devrait<br /> plus être pensable après ce qui a été vécu au siècle précédent. Comme c'est le cas des tarnaciens, il faut leur répondre, mais pas à la manière du pouvoir en place.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'emprunterai ma réponse à Eugenio Scalfari, le créateur et ancien directeur du quotidien La Repubblica,<br /> conscience de la gauche italienne. Il reprend, après les attentats en Espagne de mars 2004, l'image du révolutionnaire qui doit être dans son milieu comme un poisson dans l'eau et utilise<br /> l'expérience de l'éradication du terrorisme dans l'Italie des années de plomb.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> "Si les poissons grands et petits du terrorisme nagent dans une eau nutritive et abondante, ils seront<br /> imprenables et de toute façon se reproduiront, ils élargiront leur rayon d'action, ils se répandront comme un cancer jusqu'à ce qu'ils infestent tout l'organisme social et le<br /> tuent.  Il n'existe qu'une recette efficace pour combattre le terrorisme : il faut assécher l'eau qui l'entoure et le laisser à sec et, une fois ceci fait, extirper les racines<br /> du phénomène." (La Repubblica du 16 mars 2004).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> L'astuce des tarnaciens est de montrer qu'ils ne pratiquent pas de méthodes terroristes comme les brigades<br /> rouges alors qu'ils en ont le même modèle intellectuel : ils veulent par leurs actions symboliques accélérer les prises de conscience. Les assimiler à des terroristes comme le voudrait le pouvoir<br /> est exagéré et ils ont raison sur ce point. Leur attitude n'en est pas moins injustifiable car elle nie les règles de l'action politique : il faut donc "assécher l'eau qui les entoure" en n'ayant<br /> aucune complaisance vis-à-vis de leur action.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pour "extirper les racines du phénomène", il faut agir contre la crise et la financiarisation de l'économie : il<br /> faut s'attaquer aux prélèvements indus qui sont générés par la mondialisation de l'économie et par exemple employer des armes qui ont montré leur efficacité planétaire comme le boycott. Mais ce<br /> genre d'action fait appel à l'intelligence humaine et ne cherche pas à frapper les imaginations par un geste violent symbolique : c'est plus difficile, mais plus efficace. Le cercle vicieux de la<br /> répression protestation doit être cassé : il faut juger rapidement les actes commis et eux seuls. Mais si, face au traitement actuel de la crise, l'indignation est nécessaire, l'action collective<br /> non violente l'est encore bien davantage.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Philippe Cibois, professeur émérite de sociologie de l'université de Versailles-St-Quentin en Yvelines.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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