Piscine du « SkyPark » au 55e étage. Le site de l’architecte Moshe Safdie (« Habitat 67 » à Montréal) est ici.
Piscine du « SkyPark » au 55e étage. Le site de l’architecte Moshe Safdie (« Habitat 67 » à Montréal) est ici.
Anomyme, Portrait de Jean-Baptiste André Godin,
1879, 13x8,8 cm, Musée municipal de Guise.
Présentation de Jean-Luc Pinol :
L’industrie n’a pas, dans la France du XIXe siècle, bouleversé l’armature urbaine. Pourtant, dans certaines localités, au Creusot ou à Mulhouse, à Roubaix ou dans des cités minières, l’industrialisation a entraîné une très forte augmentation du nombre des familles ouvrières, et cela n’est pas allé sans difficultés de logement parfois dramatiques. Dans ce contexte se sont alors développées diverses expériences de logement patronal. Parmi ces dernières, le cas du familistère de Guise, construit par l’industriel Jean-Baptiste Godin, est assez original, car il n’envisage pas l’isolement de la famille ouvrière dans la maison unifamiliale qui demeure l’idéal des cités ouvrières, mais entend favoriser les relations sociales dans le cadre d’un habitat collectif qu’il appelle « palais social ». Son portrait, ses vêtements (le col mou, par exemple), sont plus ceux d’un esprit libre que d’un baron de l’industrie.
Ouvrier serrurier, il a inventé en 1840 un poêle en fonte émaillée dont la diffusion va connaître un grand succès. En 1846, il installe ses ateliers à Guise, à proximité d’une boucle de l’Oise et à courte distance de la nouvelle gare de chemin de fer qui sera décisive pour l’expédition de ses articles. En 1865, l’atelier du début est devenu une vaste usine qui occupe plus de 300 ouvriers. Deux ans plus tard, ils seront plus de 900.
Membre de l’École sociétaire fouriériste depuis 1843, celui qui est devenu un industriel prospère entend donner aux ouvriers les « équivalents de la richesse », dans les domaine du logement, de l’hygiène, de la culture et de l’éducation. Après plusieurs tentatives avortées de l’École sociétaire, en particulier au Texas, il décide de construire un familistère, inspiré du phalanstère fouriériste. Le pragmatisme qui le caractérise se retrouve dans le plan évolutif qu’il élabore pour le palais social. En 1865, deux des trois bâtiments sont construits, l’aile gauche et le pavillon central ; l’aile droite ne sera achevée qu’en 1879. Se constitue ainsi, à l’écart de l’ancien noyau de la bourgade, un ensemble qui abrite plus de 1 300 personnes, soit un habitant de Guise sur six à la veille du premier conflit mondial. La différence entre « ceux du familistère » et « ceux de la ville » est d’autant plus forte que les premiers bénéficient d’avantages et d’équipements que n’ont pas les seconds. Les logements disposent d’un confort et de conditions d’hygiène très supérieures à la norme. Godin lui-même habite le familistère, tout comme l’encadrement de l’usine ou des mouleurs en fonte.
La cour intérieure est le lieu géométrique de la vie des familistériens, elle accueille les bals dominicaux, les fêtes annuelles du travail et de l’enfance. Son dispositif technique résume les impératifs de l’hygiénisme : la verrière que supporte une charpente en bois (portée de 40x20 m pour le pavillon central) dispense la lumière ; l’aération est assurée par un circuit de ventilation : l’alignement des bouches d’aération entre la verrière, incomplètement fermée, et les caves est nettement visible sur le sol de la cour, à droite. La salubrité est assurée par des vide-ordures (« trappes à balayures », dit Godin) et des blocs sanitaires installés dans les angles auxquels arrivent aussi les escaliers. Les balcons donnent accès aux appartements – chaque porte dessert un petit vestibule qui ouvre sur deux appartements –, et chacun d’eux possède des fenêtres à l’extérieur et sur la cour : toujours le principe de la circulation de l’air… Les verrières peuvent paraître sinistres, on y a vu une similitude avec le modèle carcéral. Mais il y a là une volonté de faire échapper le monde du travail aux caprices du climat, de permettre aux enfants et à leurs parents d’échapper à la pluie et au froid, qui s’inscrit dans le droit fil du modèle phalanstérien.
En 1871, au moment où la Commune de Paris s’achève dans le sang et symbolise la violence de la lutte des classes, Godin publie Solutions sociales, un ouvrage qui condamne la guerre civile et qui explique par le menu comment réaliser l’association du capital, du travail et du talent selon les préceptes fouriéristes. L’ouvrage est un véritable manuel de la cité industrielle idéale, tant du point de vue de l’habitat que de l’éducation et de l’hygiène. Son auteur l’envoie dans de nombreuses bibliothèques de par le monde, persuadé que sa lecture multiplierait les adeptes de la solution familistérienne et qu’au XXe siècle la construction de centaines de « palais sociaux » permettrait l’établissement de la concorde universelle.
Bibliographie
Annick Brauman et al, Jean-Baptiste André Godin, 1817-1888, Le familistère de Guise ou les équivalents de la richesse, seconde édition revue et augmentée, catalogue de l’exposition, Bruxelles-Paris, Archives d’Architecture moderne-Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, 1980.
Collectif, Le Familistère Godin à Guise, Habiter l’Utopie, Paris, Éditions de la Villette, coll. « Penser l’espace », 1982.
Henri Desroche, La Société festive : du fouriérisme écrit aux fouriérismes pratiqués, Paris, Seuil, 1975.
Jean-Baptiste André Godin, Solutions sociales, Présentation et notes de Jean-Luc Pinol et Jean-François Rey. Réflexions de René Rabaux, administrateur-gérant du Familistère de 1933 à 1954, Quimperlé, Éditions La Digitale, 1979.
Le texte et l’image viennent du site L’histoire par l’image, 1789-1939.
Dernière édition :
Jean-Baptiste André Godin, Solutions sociales, Guise, Les Éditions du Familistère, 2010, 656 p. Édition critique de l’édition originale (Paris, A. Le Chevalier, 1871). Texte introduit par Guy Delabre, annoté et commenté par Zoé Blumenfeld-Chiodo et Frédéric K. Panni, édition dirigée par Hugues Fontaine et Frédéric K. Panni.
Une vue du familistère figure ici.
Rue du Temple, Paris, IIIe arrondissement.
Présentation de l’éditeur :
Londres, Dresde, Hiroshima… Avec la Seconde Guerre mondiale, la démonstration est faite dans la plus grande cruauté : l’édification urbaine, superposant siècles et générations, peut être réduite en cendres en quelques minutes seulement. L’architecture pouvait-elle rester indifférente au choc qui affectait son objet même ? L’hypothèse cathartique avancée dans cet ouvrage fait apparaître, au contraire, comment la catastrophe aura été gérée par l’expression figurée, réduite, maîtrisable de la tragédie. Depuis la guerre froide jusqu’à l’attentat du 11 septembre, depuis le brutalisme jusqu’au déconstructivisme, s’ébauche ainsi la contre-histoire d’une architecture traumatisante à force d’être traumatisée, et jouant par là un rôle essentiel dans la société de notre temps.
Sommaire
Une architecture cathartique ? | Europa 45 | Après le blitz | Le béton à l’heure de la guerre froide | Construire Hiroshima | La faille post-moderne ? | Californie, terre de désastres | L’Europe de la dé/construction | Allemagne année 00 | 09/11 | Vers une contre-histoire… | Références bibliographiques | Références iconographiques
Emmanuel Rubio, est Maître de Conférences à l’Université de Paris Ouest Nanterre, où il enseigne la littérature française. Auteur et éditeur d’ouvrages sur le surréalisme et les avant-gardes – dont Les Philosophies d’André Breton (L’Âge d’Homme, 2009) –, il a également publié plusieurs articles sur l’architecture moderne et contemporaine.
La fiche du livre est ici. La couverture du livre sur André Breton est là.
Olafur Eliasson, Mikroskop, Martin-Gropius-Bau, Berlin, 2010. Photo extraite de Temporary Architecture Now! (Taschen, 2011).
Architecture éphémère : Zaha Hadid.
Architecture éphémère. Pavillon égyptien, Shanghai, Expo 2010. Photo extraite de Temporary Architecture Now! (Taschen, 2011).