C’est une de mes rues préférées dans le XIVe arrondissement de Paris.
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« La victoire idéologique de Charlie Hebdo »
Par Olivier Cyran, CQFD n° 94, novembre 2011
En ces temps de crise, de désarroi et de division, il est bon que la France se rassemble autour d’une grande cause nationale, qui est aussi un enjeu de civilisation : le droit de dégueuler sur les musulmans.
Quatre jours avant la parution en kiosque du Charlie Hebdo spécial rire anti-musulmans, dont la Une affublée d’un bandeau « Charia Hebdo » et d’une représentation du prophète en clown fouettard promettait de requinquer un peu les ventes moribondes du journal, on avait déjà compris que l’affaire était pliée. Dauber le musulman n’est plus seulement une bonne affaire commerciale, l’équivalent spirituel de la femme à poil en page 3 du Daily Mirror, c’est maintenant un gage d’appartenance à la gauche, et même à la gauche de gauche. Ce samedi soir-là, en effet, Laurent Ruquier recevait dans son bocal à rires de France 2 le bizut aux élections présidentielles du NPA, Philippe Poutou. Éprouvante séquence, durant laquelle le successeur d’Olivier Besancenot, jeté dans l’arène télévisuelle comme une crêpe dans la poêle, fut sommé de s’expliquer sur l’affaire qui scandalise le monde civilisé : la candidature dans le Vaucluse aux dernières élections régionales d’une jeune femme voilée militante du NPA.
Tour à tour, l’animateur hennissant, ses deux chroniqueuses et son philosophe de compagnie, Michel Onfray, mirent Poutou en demeure de renier sa camarade et d’abjurer toute « complaisance » envers le bout de tissu infâme, symbole de la barbarie-qui-sape-nos-valeurs-laïques. Poutou n’a pas quitté le plateau en se retenant d’assommer ses tourmenteurs. Il ne leur a pas conseillé de se mêler de ce qui les regarde, ou de réexaminer leur propre coiffure, pourtant d’allure peu ragoûtante dans le cas d’Onfray (une hyperhidrose du cuir chevelu, peut-être ?). Le porte-parole « communiste et révolutionnaire » a préféré reluquer ses godasses, s’enfoncer la tête dans les épaules et bredouiller que non, bien sûr, il n’avait « pas été d’accord » avec cette candidature, qu’il avait lu « les livres de Chahdortt Djavann » et qu’au sujet du voile « un vrai débat toujours pas fini » déchirait la formation qu’il représentait. Sous nos yeux se concrétisait une capitulation historique : la gauche, dans sa déclinaison la plus « radicale » sur le nuancier électoral, se rendait avec armes et bagages à un camp hier encore identifié à l’extrême droite. À la figure de l’Arabe mettant en péril l’identité française s’était substituée celle du musulman qui menace la république, et il a suffi de ce simple coup de bonneteau pour que le vilain raciste d’autrefois se métamorphose en bel esprit voltairien, devant lequel toutes les composantes de la gauche élective doivent à présent se prosterner sous peine d’excommunication médiatique.
Il faut se rendre à l’évidence : idéologiquement, les boute-en-train de Charlie Hebdo ont gagné la partie. Dix ans de vannes obsessives et de piailleries haineuses sur l’islam, consacrées par les « caricatures danoises » et une voluptueuse montée des marches au festival de Cannes aux côtés de BHL, ont diffusé leur petit venin dans les crânes les plus finement lettrés. En juin 2008, les lecteurs de Charlie Hebdo n’avaient déjà rien trouvé à redire à la promotion dans leur journal d’un « caricaturiste hollandais », Gregorius Nekschot, dont « l’humour » consiste par exemple à représenter ses compatriotes blancs en esclaves, chaînes au pied, portant sur leur dos un Noir qui suce une tétine. « Les musulmans doivent comprendre que l’humour fait partie de nos traditions depuis des siècles », avait expliqué ce joyeux drille à son admiratrice, Caroline Fourest.
La parution du « Charia Hebdo » n’avait donc rien pour surprendre, pas plus que le cocktail Molotov qui s’en est suivi. Tout aussi prévisible, le chant d’amour bramé à l’oreille des martyrs de la « liberté d’expression » par la classe politique et médiatique unanime, de Christine Boutin à Jean-Luc Mélenchon, d’Ivan Rioufol à Nicolas Demorand. Pas si étonnante non plus, la poignée de main entre Charb et Claude Guéant : comme l’expliquerait Oncle Bernard à la table de Libération, c’était « tout de même le ministre de l’Intérieur », et la visite d’un si grand personnage sur les lieux du crime constituait une « marque de la bonne santé républicaine », laquelle crève en effet les yeux de toute part. Réglées comme du papier à musique, les ventes record du numéro culte : seize pages de grosse poilade sur les barbus, les burqas, les djellabahs, les vierges, les lapidations et les méchouis. Un exemple, tenez, en page 2 : « Jeu concours : découpez votre hymen et envoyez-le dans une enveloppe à “Charia Madame”, jeu-concours, Tripoli, Libye. S’il est de première fraîcheur, gagnez un séjour en thalasso dans la Mer Morte. Dans le cas d’un hymen déjà usité, un séjour dans la mer, où la morte, c’est vous. » Ça ne vous fait pas « marrer » ? C’est parce que vous pactisez en secret avec l’envahisseur islamiste…
Philippe Val est parti, mais ses rejetons ont repris le flambeau. On a même pu voir Charb jurer-cracher sur le plateau du « Petit journal » de Canal + (« l’équivalent télé de Charlie », a apprécié le chroniqueur « santé » Patrick Pelloux, c’était tout dire) que le « Charia Hebdo », avec son fond de sauce hexagonal dégoulinant de chaque page, ne visait qu’à traiter gentiment « un fait d’actualité étrangère », en l’occurrence la victoire électorale en Tunisie du parti Ennahda. Tartufferie valienne par son énormité. Charlie Hebdo a-t-il titré « Talmud Hebdo » et déversé seize pages d’« humour » sur les juifs quand l’extrême droite religieuse est entrée au gouvernement israélien ? C’était pourtant un « fait d’actualité étrangère » au moins aussi considérable que le résultat du scrutin tunisien. Mais l’animateur n’a pas bronché. Il s’est esclaffé en revanche lorsque Luz, affalé sur le plateau et à moitié dans les vapes, a balbutié : « Mahomet, c’est un copain, ouaiiis, on va aller en boîte de nuit ensemble. »
L’article est ici.
Natifs de la province et de l’étranger, donnez-vous des airs de vrais Parisiens : prétendez n’avoir jamais ignoré qu’avant d’être mauve, il fut jaune.
Je me suis saisi d’Outre-Manche de Julian Barnes. Il traînait sur une table. Je l’aurais certainement abandonné si, en le feuilletant, je n’étais pas tombé sur le nom d’André Breton. C’est ce qui m’a poussé à lire la nouvelle Expérience. J’ignore si l’histoire est vraie ou si elle est inventée, je ne sais rien de son auteur, sinon qu’il séjourne régulièrement en France et lit Flaubert, ce qui constitue une source d’information assez banale pour un Anglais fortuné.
La seule chose qui m’a touché (le texte est abyssalement dépourvu de qualité littéraire), c’est qu’il est question d’un recueil comprenant l’intégralité des discussions de l’enquête sur la sexualité, publié en 1990 aux éditions Gallimard. Le principe en était simple : réunir quelques surréalistes, ne parler que de sexualité et le faire de la manière la plus honnête possible, hors des interventions humoristiques, nombreuses mais jamais graveleuses, précisons-le. Les surréalistes avaient beau être passablement éméchés passé 18 heures, ces jeunes gens-là savaient se tenir – sauf à « La Closerie des Lilas ».
Je sais pourquoi ce livre acheté à sa sortie m’a tant marqué : je voulais recréer les conditions d’un pareil dialogue. Elles l’ont été, mais en de beaucoup trop rares occasions (y compris avec des surréalistes, tentative malheureusement avortée). C’est qu’il faudrait les renouveler continuellement, au gré de ce que l’on découvre et de ce que l’on apprend – et on apprend sans cesse puisque l’on oublie très vite. Peut-être ai-je moi-même une part de responsabilité : je me suis toujours défié du témoignage des garçons ; je soupçonne la fanfaronnade, le mensonge, certainement à tort.
Cette enquête relève d’ailleurs beaucoup moins de l’activité surréaliste que d’un questionnement intemporel et commun aux peuples du monde entier. Et c’est dans les pays où la représentation sexuelle ne connaît plus d’entrave, qu’elle est omniprésente depuis que la pornographie est virtuellement accessible à tous, que la sexualité apparaît le moins et que son expérience est aussi peu partagée. Je ne parle pas ici des sociologues, de Libération, des pauvres humoristes français, de la publicité, des radios périphériques et de la presse à destination des adolescentes qui tous assènent les mêmes poncifs vulgaires sur les amours et la vie de couple, exposent leurs inquiétantes névroses ; j’évoque un échange de vive voix, un partage. (Pour ce qui est de partager, en lui donnant ici un autre sens, je dois reconnaître n’avoir jamais vu un seul couple faire l’amour – entendu, oui, mais jamais observé de près ou de loin. C’est tout de même un peu inquiétant.)
Sans être frappé du moindre interdit, le sujet demeure difficile à aborder, comme retenu par quelques reliquats de convenance, de bonne tenue. Ce qui est vrai aujourd’hui l’était sans doute aussi dans l’entre-deux-guerres, au moment où « T.F. » se voyait contraint de répondre aux questions pressantes de quelques aventuriers avides de crever ce mur du silence.
« Hippodrome de Compiègne : Eric Woerth avait été
averti de la sous-évaluation du domaine »
Le Monde du 2 août 2011
Trois services de l’État avaient averti l’ancien ministre du budget Eric Woerth de la sous-estimation de l’hippodrome de Compiègne, rapporte Le Canard enchaîné, documents à l’appui, mardi 2 août. Accusé d’avoir « bradé » le domaine à la société des courses de Compiègne pour un montant de 2,5 millions d’euros, Eric Woerth avait pourtant affirmé n’avoir « jamais connu d’autre évaluation ».
Les courriers du directeur de l’Office national des forêts, Bernard Gamblin, et du président de la commission pour la transparence des opérations immobilières de l’État, Philippe Dumas, avaient déjà été diffusés par l’hebdomadaire. Ces notes, rédigées en juillet 2009 et en mars 2010, précisent notamment que « la valeur réelle de ces terrains est au moins dix fois supérieure à l’estimation » faite par les fonctionnaires de France Domaine.
Un troisième courrier de Philippe Parini, directeur général des finances publiques, envoyé le 1er septembre 2009, insiste quant à lui sur le caractère indispensable d’un appel d’offres. Il note également qu’il est « indispensable de recourir à une expertise privée pour établir la valeur de ce bien ».
Le Canard enchaîné publie ces documents alors qu’Eric Woerth a annoncé début juillet son intention de déposer une plainte contre le journal pour diffamation. L’ancien ministre reproche en effet au journal satirique d’avoir écrit que l’hippodrome de Compiègne a été vendu « pour un prix préférentiel et sous-évalué ». Depuis le début de l’affaire, Eric Woerth affirme en effet n’avoir commis aucune erreur dans ce dossier. « Si j’avais à refaire ce que j’ai fait sur Compiègne, je le referais immédiatement aujourd’hui », avait déclaré l’ancien ministre du budget, lors d’une conférence, avant d’ajouter : « J’ai bien fait et je le referais tel quel. »
L’article donne de nombreux liens pour revenir au commencement de cette affaire.
Rue89 a mis en ligne ce texte que je trouve très bien tourné et fort élégant. L’homme est jugé en comparution immédiate cet après-midi.
« Nous connaissons bien “l’agresseur” de Sarkozy. Hermann est un homme bienveillant, droit, tout particulièrement gentil et sensible et nous nous portons garants du fait qu’il a agi pour “la bonne vieille cause”. Hermann Fuster, puisqu’il s’agit de lui, s’est toujours montré attentionné, concerné par nos combats [libertaire, Attac, etc., ndlr]. Son poste à la mairie d’Agen ne l’autorisait pas à nous suivre aussi librement qu’il l’aurait voulu.
L’Élysée ne portera pas plainte parce que nous sommes en période électorale et la sévérité des années précédentes n’est plus de mise. Nous avons désormais un despote éclairé ! On a connu l’Élysée plus audacieux avec les camarades de Tarnac…
Le procureur est une menace pour Hermann mais pas seulement. Hermann, comme tout individu doté d’une sensibilité et d’une implication dans les affaires du monde […], est quelquefois sujet à des souffrances dont je crains qu’elles soient exploitées par le pouvoir pour obtenir un internement provisoire.
Entendons-nous : Hermann n’est pas un “original” mais il a cette innocence des gens de bien, qui lorsqu’elle se fracasse aux duretés des méthodes policières, peut flancher… C’est pourquoi notre soutien me semble indispensable. »
C’est le très démagogue et ancien socialiste (socialiste un jour, socialiste toujours) Mélenchon qui va représenter le parti aux présidentielles. Vous ne pouvez pas savoir combien je me réjouie de la disparition des staliniens !
L’image vient du site de George Weaver – que je salue.
J’ai honte pour vous.
J’ai honte que vous ayez réussi à tromper en ce dix mai tant de petites gens qui n’y connaissaient rien ni politique ni en histoire. Mais ce n’était que des électeurs, n’est-ce pas ?
J’ai honte que vous ayez occulté si longtemps le passé nazi de votre président et que l’ayant découvert vous ayez feint de vous en offusquer, bande de vauriens ! Ceci dit, la francisque sied à votre plastron, messieurs et mesdames les socialistes, bien mieux que les médailles de la résistance. J’aime aussi que le drapeau français sera à jamais celui que votre président a recouvert sur la tombe de son ami René Bousquet. Vous méritez sans conteste cette belle nuance de bleu blanc rouge : elle fait votre histoire et votre grandeur !
Ce n’est pas la mienne.
René Bousquet, souriant
J’ai 41 ans depuis quelques semaines. Il fait beau, très beau. Je vais être père cet été.
Je me souviens de vos amis qui vivaient dans une des grandes tours du XIIIe arrondissement, au-dessus du centre commercial Italie 2. Dans leur entrée, il y avait la force tranquille, une immense affiche – Dieu seul sait où ils l’avaient prise. En arrivant chez eux, on ne voyait que cela !
Je me rappelle de leur fierté, de la tienne, Charlie ; il y avait cet immense espoir. J’ai 41 ans et je me souviens de l’immense affiche dans l’entrée, chez vos amis.