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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 11:15


« Une artiste chinoise censurée par
les Beaux-Arts de Paris »

Par Sophie Verney-Caillat
Rue89
du 11 février 2010


Quatre mots qui dérangent : travailler, gagner, plus, moins. L’installation de l’artiste chinoise Siu Lan Ko, dont le vernissage était programmé vendredi, a été démontée quelques heures après leur affichage sur la façade de l’École des Beaux-Arts, quai Malaquais. « Censure politique », dénonce l’artiste.

« Un week-end de sept jours », une exposition collective à la connotation délibérément utopique, devait présenter du 13 au 21 février des œuvres d’étudiants du Royal College of Art de Londres, et de Lasalle College of the Arts de Singapour.

Siu Lan Ko, qui connaît bien les Beaux-Arts de Paris pour y avoir passé deux ans en résidence, avait imaginé deux bannières réversibles de 7 mètres de haut sur 1,2 m de large, visibles depuis les quais de la Seine et incluant simplement quatre mots. Selon le chemin que l’on empruntait, on pouvait lire les mots ci-dessous.

 

Gagner Plus Travailler Moins
Travailler Plus Gagner Moins
Travailler Moins Gagner Moins
Travailler Plus Gagner Plus
Plus Gagner Plus Travailler
Moins Gagner Plus Travailler
Moins Travailler Moins Gagner
Plus Travailler Plus Gagner
Plus Gagner Moins Travailler
Plus Travailler Moins Gagner

 

 

L’artiste explique avoir cherché à évoquer « à la fois la question du travail et de la propagande, dans un esprit universel » et s’être « bien sûr inspirée du slogan du candidat Sarkozy. »

 

Œuvre dérangeante vis-à-vis des ministères ?


Mercredi à 10 h 30, comme prévu, les bannières ont été montées sur la façade située à deux pas de l’actuelle résidence de Jacques Chirac, quai Voltaire. Mais dans l’après-midi, elles ont été retirées alors que l’artiste n’a été officiellement avertie que par un mail reçu dans la soirée de sa commissaire d’exposition, Clare Carolin, du Royal College of Art de Londres. « Le pire est que tout était calé depuis un an, le catalogue imprimé, ils n’ont pas découvert ça hier ».

D’après les informations que nous avons recueillies, la direction de l’école aurait jugé cette œuvre trop dérangeante et aurait argué qu’elle avait choqué certains membres du personnel de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts et du ministère de l’Éducation.

Le directeur aurait ajouté que la période était particulièrement sensible alors que l’école était en train de renouveler sa convention de financement avec les ministères.

À la commissaire d’exposition Clare Carolin, on a simplement proposé de rapatrier les bannières à l’intérieur de l’école, mais elle ne pouvait prendre une telle décision sans prévenir l’artiste. Elle n’a pas eu le temps de le faire puisque lorsqu’elle est sortie de la réunion, l’œuvre était déjà démontée.

 

« Le climat conservateur de la France de Sarkozy »


On imagine que pour une Chinoise, même élevée à Hong-Kong, une telle censure au pays des droits de l’homme soit à peine croyable. Siu Lan Ko :

« Je trouve dur de découvrir que cette forme de censure brutale puisse se produire en France. Il n’y a même pas de place pour la discussion, tout se passe dans mon dos et celui de la commissaire. Encore plus dur que cela se produise dans la plus ancienne école d’art française, où l’on est supposé encourager l’expression la plus libre des artistes.

Dur de croire encore que les enjeux économiques et politiques l’emportent sur toute autre préoccupation. Cela montre à mes yeux dans quel climat conservateur est tombée la France de Sarkozy, et à quel point celui-ci fait peur.

Je demande que mon travail soit remis sur la façade et que l’école donne une explication officielle à cette censure et s’excuse. Je réfléchis aussi à une éventuelle action judiciaire. »

 

« Atteinte à la neutralité du service public »


L’École des Beaux-arts de Paris, qui a refusé de nous fournir son communiqué envoyé à l’AFP, a déclaré que l’artiste avait accroché son œuvre à l’extérieur « sans que la direction de l’établissement en soit informée » :

« Sans titre, sans nom d’auteur, sans mention relative à l’exposition, le caractère de l’œuvre se réfère explicitement à un contexte politique. Son auteur a souhaité, par la présentation sur la voie publique, utiliser spectaculairement comme médiation de son message un bâtiment de l’État voué à l’enseignement », a poursuivi l’école.

La direction de l’école a considéré que « cette présentation non concertée de l’œuvre, sans explicitation à l’attention du public, pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l’établissement », selon le communiqué.

 

Site-Ko.jpgUne performance de Siu Lan

Son site :
http://www.kosiulan.net/


« Travailler moins… censurer plus »
Libération
du 11 février 2010
Par Philippe Grangereau


Une artiste peut-elle exposer à Paris une œuvre mettant en scène les mots « travailler », « plus », « gagner », « moins » ? Non, a jugé le directeur de l’école des Beaux-Arts, qui ne veut pas qu’on se moque de Nicolas Sarkozy.

 

Siu-lan Ko, une artiste chinoise, a été censurée pour une œuvre jugée trop provocatrice à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Son installation, composée de banderoles géantes, avait été mise en place mercredi matin sur la façade de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, qui donne sur le quai Malaquais. Elle a été retirée d’autorité pendant la journée. On pouvait y lire quatre mots : « travailler », « gagner », « plus », « moins ». « Selon l’angle de vision, ce slogan de Sarkozy peut être vu différemment », explique l’artiste, qui a conçu et réalisé son œuvre à Pékin.

Les Beaux-Arts avaient donné sans ambiguïté leur accord à l’installation, qui était prévue depuis décembre, selon l’artiste, qui exposait dans le cadre d’un projet artistique intitulé « Week-end de sept jours » – réunissant des étudiants du programme de recherche La Seine  ; des étudiants du Royal College of Art de Londres, et de Lassalle College of the Arts de Singapour. Bien que la commissaire de l’exposition se soit opposée à l’enlèvement de l’installation, et sans que l’artiste ait été consultée, la décision de décrocher les banderoles a été prise dans l’après-midi de mercredi.

La censure a été décidée par le directeur des Beaux-Arts, Henry-Claude Cousseau, rapporte la commissaire de l’exposition, Clare Carolin, du Royal College of Art de Londres. « Pour toute explication, il m’a dit que cette œuvre se moquait du président français ». En quinze ans de carrière, elle dit n’avoir jamais été confrontée à ce genre de « censure ». Pour protester, elle a décidé de remettre sa démission, et de repartir en Grande-Bretagne samedi. « Je me sens insultée, et je ne veux pas être associée avec cette censure. » Selon Ko, « l’œuvre gênait des personnalités du ministère de l’Éducation, ce qui est malvenu car ce ministère doit bientôt décider du budget annuel de l’École des beaux-arts. »

Contacté par Libération hier mercredi afin d’obtenir une explication, le secrétariat de Cousseau n’a pas retourné le coup de fil prévu. La direction justifie son geste en faisant passer Siu-lan Ko pour « une étudiante »…

Siu-lan Ko, 33 ans, qui vit entre Hong-Kong et Pékin, est pourtant une routière des expositions internationales depuis 2003. Ko s’intéresse plus particulièrement au phénomène de la propagande et aux slogans (voir son site). Elle a récemment réalisé une installation en Chine. « Ne pensez pas trop », disait une de ses banderoles. « Venant de Chine, je ne comprends pas cette censure brutale en France, et surtout dans l’une de ses écoles d’art les plus anciennes, qui est supposée encourager la liberté d’expression. Cela montre le degré de conservatisme du climat politique et le degré de peur de Sarkozy », proteste l’artiste, qui dit envisager un recours en justice si son œuvre n’est pas restaurée avant le vernissage de « Week-end de sept jours », prévu vendredi.

 

Télérama rappelle, sous la plusme d’Erwan Desplanques, une performance de Sui Lan, « Memory Of Air ».

 

artistes-en-chine.jpg

« Siu Lan Ko, 33 ans, est une artiste chinoise incontournable. Ses performances mêlent puissance poétique, force conceptuelle et contestation politique. La voici dans une rue de Hongkong, le 4 juin 2006, traçant dans le vide les chiffres 6/4 (4 juin), date du massacre du Tian’anmen. »

 

Un message de Siu Lan sur Facebook


Chers amis,

Comme vous le savez mon travail a été censuré par l’École des Beaux-arts de Paris. L’École était informée de mon œuvre depuis début janvier, et des photo-montages de l’œuvre ont même été publiés dans le catalogue. Ils ont décidé de la décrocher après son installation, sans me consulter et contre l’avis de la commissaire d’exposition, du Royal Art College.

On m’a dit jeudi après-midi que le directeur des Beaux-arts, Henri-Claude Cousseau, ne voulait pas me rencontrer pour expliquer pourquoi les bannières ont été retirées de la façade. Malgré mes protestations et demandes que l’œuvre soit réinstallée, la décision n’a pas été remise en question – mes bannières n’ont pas pu être réaccrochées sur la façade. À la place, on m’a proposé de présenter les bannières à l’intérieur de la galerie, ou bien de faire une autre œuvre. J’ai clairement fait savoir que ces options sont inacceptables, et que les bannières doivent être accrochées en respectant l’intégrité de leur concept originel – sur la façade des Beaux-arts, lieu pour lequel j’ai spécifiquement créé cette oeuvre.

Je vous écris pour demander votre soutien, lors d’une action aujourd’hui.

Venez s’il vous plaît à l’heure du vernissage, 17 h 30-18 h, en apportant avec vous deux bannières. Vous trouverez ci-joint une version électronique des bannières qui ont été censurées. Vous n’avez qu’à les imprimer, au format que vous voulez, et faire votre propre version de ces bannières avec les 4 mots : Gagner, Travailler, Moins, Plus (en les collant dos-à-dos). Nous aurons une mer de bannières dehors, dedans, dessus, dessous les Beaux-arts.

Ceci n’est pas une « version alternative » de l’œuvre. C’est une action pour soutenir ma demande de réinstaller les deux bannières originelles de 7 m sur 1,20 m sur la façade des Beaux-arts.

Je demande à ce que les bannières soient remises sur la façade des Beaux-arts, et que l’école s’excuse publiquement de son atteinte à la liberté d’expression et aux droits des artistes.

Merci de m’aider à faire passer le message à un maximum de monde, pour faire connaître cette action. A déclarer que nous condamnons la Censure et les atteintes à la Liberté d’expression.

Fondamentalement, il ne s’agit pas simplement de la censure de l’œuvre d’un artiste, c’est aussi et surtout le non respect des droits d’expression libre, pour cause d’intérêts économiques et politiques.

Si cela m’est arrivé, ça pourrait aussi vous arriver un jour…

En espérant vous voir demain, je vous tiendrai au courant de tout développement ou action.

Bien à vous,
Siu Lan

 

kosiulan@gmail.com

www.kosiulan.net

 

 

Dear Friends,
As you know my work has been censored by Ecole de Beaux-arts de Paris, the school has been informed of my work since beginning of January, and the mock up photos of the work are even included in the catalogue of the show. They decided to take down the work after it has been installed without me nor the curator from Royal Art College’s consent.
Please see these link for details of the story or simply google: beaux-arts siu lan ko.


http://www.rue89.com/confidentiels/2010/02/11/une-artiste-chinoise-censuree-par-les-beaux-arts-de-paris-137898
http://www.liberation.fr/culture/0101618760-une-artiste-censuree-pour-avoir-brocarde-sarkozy
http://www.telerama.fr/scenes/une-artiste-chinoise-censuree-a-paris,52575.php
http://news.yahoo.com/s/afp/20100211/lf_afp/lifestylefrancechinaartpoliticscensor_20100211182849 (eng)
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gB2BzUFBT6xtWVBhiVwx0g1t4YHQ
http://www.wikio.fr/news/Siu+Lan


I was told this afternoon that the Director of the Beaux-arts Henri Claude  Cousseau did not want to have a meeting with me to explain why the banners was removed from the facade. And despite my protest and request to reput the banners- their decisions remain unchanged- my banners could not be ’re-installed’ on the facade. Instead, they propose for me to put the banners inside the gallery or to do an alternative piece. I made it clear that these options are unacceptable and that I demand the banners to be installed in its integrity and original conception- on the facade of Beaux-arts where i created this work specifically for.
I am writing to ask for your support in an action tomorrow- Please come to the gallery at the time of the opening at 5:30-6pm, please bring with you two banners when you come along. Yes, you can find attached an e-version of my banners that have been censored, please email me (kosiulan@gmail.com) directly for the versions if you don’t have it, and go ahead and print them on your own, in whatever size and format you want, and make your own version of the banners with these 4 words- Gagner, Travailler, Moins, Plus. We will have a sea of banners outside, inside, upside, downside of beaux-arts.
I wish to emphasize that this action is not an ’alternative version’ of my artwork- it is an action in support of my request to ’re-installed’ the two banners 7 m x 1.20 m on the facade of beaux-arts.
I demand the banners to be put back at the facade of the beaux-arts, and that the school issue an official apology for their infringement of freedom of speech and artists rights.
I am asking you to help forward this email to your friends, post them on your blogs- let more people know about this news and the action. That we condemn censorship and the infringement of freedom of speech. Fundamentally it is not simply about one artist’s work being censored, it is about dis-respecting the rights to the freedom of expression when other interest- economic, political interest are at stake. If this could happen to me, it might happen to you one day.
I hope to see you tomorrow, and I will keep you updated of any further development or actions.


yours sincerely,
Siu lan

kosiulan@gmail.com
www.kosiulan.net


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commentaires

L
<br /> http://0z.fr/_HL_U<br /> et<br /> http://www.lili-oto.com/ext/http://img4.imageshack.us/img4/263/lyonmag2.jpg<br /> <br /> 6 millions d'euros pour une biennale de Lyon 2009-10, 600 000 euros de communication dont selon la revue Lyon 2 mag citant un confrère, 50 000 euros auraient été payés pour avoir des articles<br /> élogieux dans le journal le monde. Et pendant ce temps là les artistes contemporains en arts plastiques ou dans les arts visuels vivent au Rmi et ne trouvent plus d'espaces pour montrer leurs<br /> œuvres en raison de ce lobby institutionnel (voir la biennale Out contre la biennale officielle de Lyon). franchement de cette antidémocracie culturelle on en a marre... lien de la biennale out :<br /> http://biennaleartcontemporain.over-blog.com/ ...<br /> <br /> <br />
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E
<br /> merci infiniment du soutien que vous apportez à cette affaire de censure indigne d'une démocratie<br /> <br /> <br />
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