Je signale que l’exposition « En route mauvaise troupe, Nantes et le surréalisme » se tient jusqu’au 27 février 2010 (l’annonce est ici et là). On y trouve des documents dont la rareté impressionne (le premier numéro d’En route, mauvaise troupe, des lettres, des collages, des tracts et des éditions originales). L’ensemble de la présentation comprend des panneaux explicatifs très bien conçus.
Je donne à lire ci-dessous une chronologie qui vient du site des bibliothèques municipales de Nantes, le fichier Pdf est disponible ici.
Repères chronologiques
1913
Création à Nantes par le groupe des Sârs (Jean Sarment, Eugène Hublet, Pierre Bisserié et Jacques Vaché) d’une petite revue littéraire polycopiée baptisée En route mauvaise troupe, bientôt suivie d’une seconde, Le Canard sauvage.
1916
Naissance du mouvement Dada à Zurich. André Breton rencontre Jacques Vaché à Nantes.
1919
Mort de Jacques Vaché à Nantes, à l’Hôtel de France, par absorption d’opium.
Fondation de la revue Littérature par André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault.
Publication des Lettres de Guerre de Jacques Vaché avec une préface d’André Breton.
Pierre Roy peint Adrienne pêcheuse.
Les premiers poèmes de Benjamin Péret sont reproduits dans plusieurs revues de province, dont l’édition nantaise de La Tramontane.
Claude Cahun publie Vues et visions. Illustré par sa compagne Marcel Moore (Suzanne Malherbe) l’ouvrage prend Le Croisic comme décor.
1920
Arrivée de Tristan Tzara à Paris. Premiers spectacles Dada.
André Breton et Philippe Soupault publient Les Champs magnétiques, essai inaugural d’écriture automatique dédié à la mémoire de Jacques Vaché.
Claude Cahun confie à la revue nantaise La Gerbe un article sur son oncle l’écrivain Marcel Schwob.
Benjamin Péret et Jacques Baron séjournent à Paris.
1921
Benjamin Péret publie Le Passager du Transatlantique. À Paris, il participe aux manifestations Dada et notamment au « Procés Barrès », il tient alors le rôle du soldat inconnu. À Nantes, il collabore au journal Le Populaire.
Les premiers poèmes de Jacques Baron sont édités dans la revue Aventure. Lors de la « Visite dada à Saint-Julien-le-Pauvre », il fait la connaissance de Louis Aragon, puis celle d’André Breton.
Claude Cahun poursuit un travail d’expérimentation photographique. Parmi ses premiers autoportraits, certains sont réalisés au Croisic.
1922
Durant une conférence donnée à Barcelone, André Breton évoque l’« étrange séduction » qui se dégage de la poésie de Jacques Baron. Celui qu’on devait baptiser le « Rimbaud du surréalisme » n’est encore qu’un jeune homme de dix-sept ans.
S’ouvre la période dite des « Sommeils », expériences « spirites » auxquelles participent notamment Baron et Péret.
1923
Péret publie Au 125 du boulevard Saint-Germain.
Le poète nantais Marc-Adophe Guégan fait paraître Oya Insula, un ouvrage qui évoque largement l’Ile d’Yeu. Marcel Moore en dessine la couverture, le cul-de-lampe et les bandeaux.
1924
André Breton publie le Manifeste du surréalisme.
Parution du premier numéro de La Révolution surréaliste (directeurs : Pierre Naville et Benjamin Péret).
Jacques Baron publie L’Allure poétique et André Breton Les Pas perdus (y figure un texte sur Jacques Vaché : « La confession dédaigneuse »).
Jacques Viot gagne Paris. Dans le numéro 26 de la revue Intentions paraissent ses premiers « Poèmes de guerre », ainsi qu’un texte de Benjamin Péret « Le travail anormal ».
Pierre Roy se rend au Bureau de Recherches surréalistes.
1925
En janvier, la revue mondaine et artistique Nantes le Soir s’emploie à populariser le mouvement d’André Breton : « Vive donc le surréalisme s’il peut chasser de la conscience moderne la hantise de l’intelligence et de la raison ».
À la Galerie Pierre s’inaugure une exposition de Joan Miró organisée par Jacques Viot et préfacée par Péret.
En août à Pornic – vraisemblablement convié par Jacques Viot devenu son marchand – Max Ernst se livre à l’exploration méthodique de la technique du « frottage ».
Adrienne pêcheuse de Pierre Roy est reproduite dans le n° 4 de La Révolution surréaliste.
Le texte-manifeste « La Révolution d’abord et toujours ! » est contresigné par l’ensemble du groupe surréaliste dont Péret et Viot.
La première exposition de peinture surréaliste est mise en place par Jacques Viot à la galerie Pierre.
1926
La première exposition personnelle de Pierre Roy qui se tient à la galerie Pierre est également organisée par Jacques Viot. Dans la préface rédigée par Louis Aragon figurent ces quelques lignes : « C’est à Nantes qu’est né le monde Nantes dont le plus beau monument touristique est cet S muet qui le musèle… »
Baron, Péret et Viot figurent ensemble au sommaire du n° 6 de La Révolution surréaliste.
Viot quitte précipitamment Paris pour Tahiti ; débute une longue série de voyages erratiques.
1927
Péret, Aragon, Breton, Éluard et Unik, puis Jacques Baron, adhèrent au P.C.F.
1928
André Breton publie Nadja.
En octobre-novembre, Jacques Baron et Michel Leiris séjournent à Nantes et Quiberon. Il s’agit d’un moment crucial dans la vie de l’auteur de L’Afrique fantôme.
Exposition surréaliste à la galerie « Au sacre du printemps ». Ernst, Arp, Miró, Picabia, Masson, Tanguy et Pierre Roy sont représentés.
1929
André Breton publie le Second Manifeste du Surréalisme. La rupture de Baron, Desnos, Leiris, Prévert et Queneau avec André Breton s’avère définitive.
Jacques Viot repart en Nouvelle Guinée et ramène un important ensemble d’Art océanien.
Jacques Baron participe activement à la création de La Revue marxiste.
Benjamin Péret s’installe au Brésil pour un séjour de près de trois ans.
1930
Jacques Baron signe le pamphlet contre André Breton : « Un cadavre ».
Parution du premier numéro de la revue Le Surréalisme au Service de la Révolution, y figure un article de Jacques Viot : « N’encombrez pas les colonies ».
Première exposition Pierre Roy aux États-Unis, à New York.
Claude Cahun publie Aveux non avenus (illustré de plusieurs photomontages réalisés par Moore).
1931
Jacques Baron devient secrétaire de rédaction de La Critique sociale, la revue de Boris Souvarine.
Benjamin Péret est incarcéré puis expulsé du Brésil pour agitation politique.
1932
Claude Cahun fait la connaissance d’André Breton par l’intermédiaire de Jacques Viot ; elle adhère à l’« Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires » tout comme Benjamin Péret et la plupart des surréalistes. Ils y côtoient le Nantais Paul Nizan.
Jacques Viot publie son premier roman Déposition de Blanc, violent réquisitoire anticolonialiste.
1933
André Breton est exclu de l’A.E.A.R.
Parution du premier numéro de la revue Le Minotaure.
1934
Claude Cahun publie Les Paris sont ouverts.
1935
Importante exposition Pierre Roy à la galerie des Beaux-Arts à Paris.
André Breton rompt avec le P.C.F et publie Position politique du Surréalisme.
Publication à Prague du premier numéro du Bulletin international du surréalisme.
Les surréalistes se rapprochent de Georges Bataille. S’ensuit la création du groupe d’ultra-gauche « Contre-Attaque » auquel participent Benjamin Péret, Claude Cahun et Marcel Moore.
Jacques Baron publie Charbon de mer et reçoit pour son œuvre le prix des Deux magots.
1936
Exposition surréaliste d’objets à Paris. Le texte de Claude Cahun « Prenez garde aux objets domestiques » est publié dans Les Cahiers d’art.
En août, Benjamin Péret gagne l’Espagne, quelques jours après l’insurrection militaire. Il combat dans les rangs du « Parti Ouvrier d’Unification Marxiste » puis dans la colonne de l’anarchiste Durruti.
1937
Publication de L’Amour fou d’André Breton.
1938
André Breton rencontre Trotsky au Mexique, en sa compagnie, il rédige le « Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant » et fonde la « Fédération Internationale de l’Art Révolutionnaire Indépendant ».
Exposition internationale du surréalisme à Paris.
Julien Gracq publie Au Château d’Argol.
1939
Rencontre d’André Breton et de Julien Gracq à Nantes.
Marcel Carné, Jacques Viot et Jacques Prévert réalisent Le Jour se lève.
1940
Benjamin Péret est mobilisé à Nantes puis incarcéré à Rennes pour activités subversives. André Breton publie L’Anthologie de l’humour noir – interdit par la censure de Vichy – qui comporte un texte consacré à Jacques Vaché. Il trouve refuge à Marseille à la villa Air Bel que fréquentent certains membres du groupe surréaliste susceptibles d’être inquiétés par la police de Vichy. Ils y créent le « Jeu de Marseille ».
1941
André Breton s’embarque pour les États-Unis, Péret pour le Mexique.
1942
Pierre Roy séjourne à Nantes durant l’été.
À l’Université de Yale, André Breton prononce sa conférence sur la « Situation du surréalisme entre les deux guerres ».
1944
André Breton écrit Arcane 17.
1945
Péret publie Le Déshonneur des poètes.
Claude Cahun et Marcel Moore – ayant participé à la Résistance sur l’île de Jersey – sont arrêtées par la Gestapo, isolées pendant trois mois, jugées et condamnées à mort, puis finalement libérées.
1946
Retour d’André Breton en France.
Jean-Christophe Averty prend contact avec le groupe surréaliste.
André Pieyre de Mandiargues publie Le Musée noir (y figure un récit intitulé : « Le Passage Pommeraye »).
1947
Jean-Louis Bédouin et Jean Schuster rejoignent le mouvement surréaliste. André Pieyre de Mandiargues participe également aux activités du groupe.
1948
Retour à Paris, au début de l’année, de Benjamin Péret.
1949
Seconde édition des Lettres de guerre de Jacques Vaché (K. éditeur) avec une préface d’André Breton, « Trente ans après ».
1950
« Nantais d’inspiration et de cœur », Maurice Fourré publie : La Nuit du Rose-Hôtel (Gallimard, collection « Révélation » dirigée par André Breton).
Marcel Carné réalise Juliette ou la clef des songes, une adaptation de Jacques Viot d’après la pièce surréaliste de Georges Neveux qui est présentée à Cannes.
Mort de Pierre Roy à Milan.
1951
Dans Carrefour, Morvan Lebesque révèle à ses lecteurs les arcanes de « Nantes, capitale du surréalisme ».
1952
Benjamin Péret rédige une série d’articles sur La Révolution et les syndicats pour Le Libertaire qui paraîtront chez Éric Losfeld, en 1968, sous le titre Les Syndicats contre la révolution.
André Breton publie ses Entretiens.
1954
Décès de Claude Cahun.
1955
Benjamin Péret fait un nouveau voyage au Brésil.
1957
Fondation de l’Internationale situationniste à Cosio d’Arroscia en Italie. Le groupe préconise le dépassement de l’art et la critique de la vie quotidienne, à travers la réalisation de « situations construites ». Certains de ses tenants puisent leur inspiration auprès de ceux qui ont su développer une critique au sein même du surréalisme. L’I.S. progressivement s’imposera comme la dernière « avant-garde » constituée.
1959
Mort de Benjamin Péret.
Orfeu Negro, réalisé par Marcel Camus sur un scénario de Jacques Viot, obtient la palme d’or à Cannes.
1966
Mort d’André Breton.
1967
Une soirée de cinéma surréaliste est organisée à Nantes par l’AGEN-UNEF. Une brochure est réalisée avec le concours du groupe parisien qui édite alors la revue L’Archibras, l’opuscule d’une quarantaine de pages intitulé À propos du surréalisme contient des textes de Jean Schuster, de Joyce Mansour, des dessins de Jorge Camacho et de Jean-Claude Silbermann.
1968
Lors des évènements de mai, les surréalistes et situationnistes se joignent activement aux mouvements d’occupation et battent le pavé dans les rues de Paris et Nantes.
1969
Jacques Baron publie son autobiographie L’An I du surréalisme et vient signer son ouvrage à Nantes.
Guy Debord, chef de file des situationnistes écrit au Nantais Yvon Chotard, leader des étudiants de l’AGEN-UNEF « (…) Peut-être devriez-vous envisager, pour bientôt, un texte proposant plus explicitement une forme de regroupement des groupes réellement radicaux qui existent en France (…) ? Nantes peut avoir un rôle très important, à cause d’un “prestige” justement fondé. »
1970
Le numéro 33 de la revue de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, Nantes Réalité, s’intéresse à « Nantes dans la grande aventure de l’art moderne. De la rencontre Breton-Vaché à la mort de René Guy Cadou ». Jacques Baron rédige l’introduction de ce dossier.
1971
Jacques Baron donne un texte à la revue surréaliste Coupure intitulé Des nouvelles de Jacques Vaché. Il y évoque le « Jacques Vaché d’avant Breton », le potache scandaleux du Lycée Clemenceau, impénitent dandy du Groupe des Sârs : « avec sa charge d’éblouissements et d’indiscipline, il fut loin d’être indifférent à ceux qui le côtoyèrent dans cet étrange théâtre des courants d’air qu’est, à Nantes, le Passage Pommeraye. »
1972
La Maison de la Culture de Loire-Atlantique organise une semaine surréaliste à Nantes à laquelle participe Jacques Baron. Certains des anciens membres du groupe de l’AGEN saisissent l’occasion pour organiser une soirée surréaliste, « soirée totale » donnée salle Vasse qui dégénère. « Le Groupe Eros Jivaros » rédige une « Lettre aux nouveaux épiciers », ceux de la Culture. Dans les deux cas, il s’agit de s’opposer aux nécrophages de l’héritage bretonnien.